2.1 Manuel d’évaluation foncière du Québec (MEFQ) – Origines et vue d’ensemble
Présentation et sommaire
Le Manuel d’évaluation foncière du Québec (MEFQ) est un ouvrage de référence produit et tenu à jour par le gouvernement du Québec. Son usage est prescrit pour encadrer l’application du processus de confection et de tenue à jour de tous les rôles d’évaluation foncière. Il a pour principales fonctions de documenter officiellement l’application des dispositions législatives et réglementaires qui régissent les pratiques d’évaluation foncière municipale, ainsi que d’assurer l’uniformité méthodologique de ces pratiques, considérant qu’elles s’exercent dans un contexte décentralisé.
Graduellement publié à partir de 1974, puis prescrit par réglementation à compter de 1977, le MEFQ est, encore aujourd’hui, développé et diffusé par le ministère des Affaires municipales. D’abord l’un des éléments moteurs de la réforme administrative de l’évaluation foncière implantée de 1977 à 1984 sur tout le territoire québécois, il fait ensuite l’objet de nombreuses mises à jour et transformations adaptées aux réalités technologiques et méthodologiques caractérisant l’évolution des pratiques québécoises d’évaluation municipale. Une fois reconnue la nécessité d’un manuel de référence en évaluation foncière, les divers éléments qui ont composé le MEFQ au fil des ans sont répertoriés en quatre groupes : la première édition (1974-1981), l’édition « métrique » (1984), la troisième édition (1992-2001) et l’édition « modernisée » (2010).
L’éveil à la nécessité d’un manuel de référence (1956-1971)
Pendant plus de 20 ans avant sa mise en œuvre, une réforme de l’évaluation foncière est réclamée par divers intervenants, à la fois pour raffermir la crédibilité de l’impôt foncier, principale source de revenus des municipalités, et pour assurer la fiabilité des données essentielles à la réalisation de réformes fiscales.
Tout comme l’a d’abord fait la Commission Tremblay en 1956, la Commission Bélanger sur la fiscalité constate à nouveau, en 1965, que l’évaluation foncière s’avère « une discipline qui a peu évolué depuis le siècle dernier ». Outre les divergences entre les lois qui régissent cette discipline, elle signale particulièrement l’absence, l’incohérence et l’improvisation des moyens utilisés par les estimateurs de l’époque et déplore les injustices qui en résultent. À titre de préalable à toute réforme fiscale, cette commission d’enquête recommande l’uniformisation législative et normative de l’évaluation foncière et qu’à cette fin, le gouvernement prépare et publie un manuel d’évaluation foncière établissant les principes et méthodes à appliquer à des milieux socio-économiques différents.
En septembre 1969, un groupe de travail sur la réforme de la fiscalité et des finances municipales livre une première tranche de son rapport, laquelle porte exclusivement sur la réforme de l’évaluation des biens-fonds. Ses 36 recommandations proposent des modalités concrètes de mise en œuvre de la plupart des changements énoncés en 1965. La promulgation de normes officielles d’évaluation en est un volet fondamental : « Il faut de toute nécessité faire en sorte que l’acte d’évaluation acquière la même signification et la même qualité partout, indépendamment de son auteur » (Rapport Boulet, p. 31). L’adoption d’un manuel québécois d’évaluation est présentée comme un incontournable qui :
- devrait être le reflet de toutes les conditions immobilières qui caractérisent le régime municipal québécois, ce qui empêche d’emprunter ce qui se fait ailleurs; il faut donc créer;
- pourrait se fonder sur un travail de base déjà accompli par le service de l’évaluation du ministère des Travaux publics;
- deviendrait la propriété du gouvernement qui en assurerait la révision et sa promulgation;
- devrait faire l’objet d’une mise à jour ininterrompue.
Dès novembre 1969, des sous-comités techniques sont désignés par le ministre des Affaires municipales de l’époque (Robert Lussier) pour élaborer un avant-projet de loi, ainsi qu’un manuel d’évaluation foncière. Bien qu’au départ, d’importantes divergences terminologiques et méthodologiques existent entre les spécialistes affectés à ces travaux, un projet de manuel d’évaluation foncière est livré au ministre en septembre 1970.
En janvier 1972, l’entrée en vigueur de la Loi sur l’évaluation foncière ouvre officiellement la voie aux développements en cours, notamment par l’instauration du pouvoir de réglementer la forme et le contenu du rôle, ainsi que les méthodes et normes d’établissement de la valeur.
La Direction générale de l’évaluation foncière (DGEF) du Ministère des Affaires municipales est alors créée, avec pour mandat principal d’élaborer, de diffuser et de tenir à jour le Manuel d’évaluation foncière du Québec. Dans cette foulée, la Corporation des évaluateurs agréés du Québec met sur pied un « Comité du Manuel », dont les membres collaborent ensuite à cet important développement.
La première édition du MEFQ (1974-1981)
En 1974, la publication du volume 1 du MEFQ intitulé « Principes et concepts généraux en évaluation foncière », constitue le premier volet de ces développements. Suivent, en 1975, les volumes 3 (Codification) et 3A (Matrice graphique) de ce manuel. Les premiers répertoires de taux unitaires (en base 1972) destinés à l’application de la méthode du coût et les formulaires afférents, dont les premières fiches de propriété, sont ensuite publiés en 1976, à même les volumes 4, 4A et 5. En 1981, le volume 5A fait de même quant aux bâtiments de ferme.
Chacun de ces ouvrages comporte un identifiant graphique distinct, dont les traits communs sont décrits ci-contre.

Ce n’est toutefois qu’en avril 1977 que la première édition du MEFQ acquiert un caractère officiel. Prescrite par le Règlement numéro 1, elle constitue alors un des éléments moteurs de la réforme administrative de l’évaluation foncière, dont l’objectif central est d’uniformiser les pratiques d’évaluation foncière à l’échelle du Québec. L’usage de certaines composantes du MEFQ est prescrit par ce règlement alors que d’autres constituent plutôt des sources de référence non obligatoires, tels les répertoires jurisprudentiels.
L’édition « métrique » du MEFQ (1984)
Dans un effort de consolidation des efforts de standardisation déjà déployés et avec l’objectif d’assurer la continuité de la réforme en voie d’implantation, la deuxième édition du MEFQ s’avère déterminante en 1984, par la publication, aux volumes 4 et 5, de nouveaux répertoires de coûts unitaires actualisés pour l’ensemble des bâtiments à évaluer. Pour se conformer aux exigences du gouvernement du Canada, elle instaure en même temps l’utilisation du système international de mesures (SI) en évaluation foncière – d’où l’appellation « édition métrique », ainsi que l’amorce du remplacement des fiches de propriété en usage depuis 1977.
Publiés en mars et octobre 1984, les coûts unitaires qui y figurent sont établis en base 1983 et, contrairement aux précédents, sont conçus en prévision de leur informatisation. L’usage de nouvelles fiches de propriété (2.4.1, 2.5.1 et 2.5.1A-1) y est exposé en application des mêmes principes. Cette deuxième édition des volumes 4 et 5 acquiert un caractère officiel en septembre 1988, alors que la réglementation instaure la possibilité d’utiliser les fiches de propriété conçues en fonction du système international d’unités de mesure.
Deux autres publications sont à considérer comme faisant partie de la deuxième édition du MEFQ : l’annexe 6-B (Éléments de statistique) et l’annexe 6-C (Algorithmes de diagnostic du fichier 2.6.4). Répondant à divers besoins exprimés au cours de l’implantation de la réforme amorcée en 1977, ces deux ouvrages de référence demeurent d’usage facultatif jusqu’à leur retrait, en 1994.
Pendant quelques années ensuite, outre les mises à jour apportées périodiquement aux volumes 4 et 5, le MEFQ ne fait pas l’objet d’ajouts ou de changements significatifs. Les efforts se concentrent sur la consolidation du système administratif instauré depuis 1977 et sur sa continuité entre les rôles successifs.
La troisième édition du MEFQ (1992-2001)
Les consultations menées par le MAM sur ses produits et services en matière d’évaluation foncière révèlent des besoins pressants de renouvellement.
Publiés de 1992 à 2001, les éléments formant la troisième édition du MEFQ comprennent principalement la version 1998 des volumes 4 et 5 (Méthode du coût) contenant des répertoires de coûts unitaires actualisés en base 1997, pour l’ensemble des bâtiments à évaluer. Cette période est également caractérisée par l’ajout au MEFQ de guides méthodologiques inédits : Processus de traitement du rôle d’évaluation (volume 2), en 1994 et Méthode de comparaison (volume 6), en 1997 et 2001. Outre ce renouveau méthodologique, le MEFQ fait aussi l’objet, à compter de 1999, d’un virage technologique majeur : l’abandon de la publication des volumes imprimés, remplacée par leur diffusion sur un support électronique (cédérom).
Les ouvrages formant la troisième édition du MEFQ représentent, sur plusieurs plans, un renouveau dans les pratiques d’évaluation foncière municipale au Québec. Ils protègent toutefois les acquis des éditions précédentes en matière d’uniformité, tout en s’adaptant aux nouvelles réalités des évaluateurs et aux besoins de cette discipline professionnelle.
L’édition « modernisée » du MEFQ (2010)
Mettant à contribution divers spécialistes de plusieurs disciplines (évaluateurs, informaticiens, etc.), le Ministère des Affaires municipales entreprend, en 2005, de rationaliser les renseignements prescrits aux dossiers d’évaluation et à mieux adapter les exigences au contexte technologique. Les modifications apportées au Règlement sur le rôle d’évaluation foncière (RREF) en 2010 pour prescrire la modernisation ainsi retenue ont des impacts majeurs sur les pratiques d’évaluation foncière existantes, dont l’élimination des formulaires obligatoires et de leurs équivalents informatiques, remplacés par la seule prescription de renseignements informatisés définis au MEFQ.

Difficilement compatibles avec la structure des volumes existants du MEFQ, ces changements réglementaires entraînent la modernisation du MEFQ, laquelle se caractérise d’abord par d’importantes innovations de forme et de contenu, dont les principales sont :
- une structure totalement nouvelle, calquée sur les étapes du processus prescrit de confection et de tenue à jour du rôle d’évaluation foncière. Elle comporte cinq grandes parties (au lieu de sept volumes), elles-mêmes divisées en plusieurs parties (20 au total);
- une diffusion exclusivement en ligne, accessible seulement au moyen d’un abonnement annuel;
- l’allègement des renseignements descriptifs requis quant aux bâtiments et l’introduction de renseignements qualitatifs sur leur qualité et leur état;
- l’établissement systématique de la classe et de l’âge apparent des bâtiments ;
- de nouvelles règles d’affichage public du rôle d’évaluation.
Prescrite par RREF ainsi amendé, l’édition modernisée du MEFQ acquiert un caractère officiel, le 21 août 2010 (G.O.Q, partie 1, p. 965). Cette édition remplace alors l’ensemble des volumes formant le manuel existant, qui demeure toutefois valide pour la période transitoire prévue au règlement, soit jusqu’en 2019.
Sources de référence relatives à la présente capsule
- Rapport de la Commission royale d’enquête sur les problèmes constitutionnels (Thomas Tremblay, prés.), gouvernement du Québec, 1956, vol. III, tome II, pp. 191-192.
- Rapport de la Commission royale d’enquête sur la fiscalité (Marcel Bélanger, prés.), gouvernement du Québec, décembre 1965, p. 291.
- L’évaluation des biens-fonds, Première tranche du rapport du Groupe de travail sur la réforme de la fiscalité et des finances municipales (Albert Boulet, prés.), gouvernement du Québec, septembre 1969, 56 pages.
- La réforme administrative de l’évaluation foncière (Programme de formation des cadres municipaux), Ministère des Affaires municipales, mars 1977, p. 31.
- La réforme sur l’évaluation foncière au Québec, son histoire et son bilan évolutif, Yves Lachapelle, Le Faisceau, été 1996, p. 8-9.
- L’édition modernisée 2010 du Manuel d’évaluation foncière du Québec (dépliant), MAMROT, mai 2009.
- Communiqués du MAM à l’intention des évaluateurs : 2000-07-19 ; 2005-11-03, 2009-05-28, 2010-05-26, 2010-09-22.
- Éléments de base caractérisant la modernisation (Module 1 du programme de formation de transition sur la modernisation), MAMROT, novembre 2011.
ANNEXE 1 – TABLEAU RÉCAPITULATIF DES OUVRAGES AYANT COMPOSÉ LE MEFQ
