1.5 Loi sur l’évaluation foncière (LEF)

Présentation et sommaire

La Loi sur l’évaluation foncière (RLRQ, chap. E-16) est une loi québécoise entrée en vigueur en 1972 qui révise et rassemble, en une seule législation, toutes les dispositions relatives à l’évaluation foncière municipale. Par l’uniformisation des pratiques en ce domaine, elle vise à améliorer la fiabilité et la comparabilité des évaluations foncières au Québec, en vue d’y réaliser ensuite une réforme de la fiscalité municipale.

L’idée de créer une loi sur l’évaluation foncière provient des recommandations des commissions d’enquête et de groupes de travail des décennies 1950-1960, qui concluent à la nécessité de réformer la fiscalité municipale mais aussi à l’impossibilité d’y parvenir sans corriger d’abord la faible fiabilité des évaluations foncières. Adoptée à la suite à d’importants débats, cette nouvelle loi acquiert, à compter de 1972, l’exclusive compétence dans les matières qui y sont traitées. Elle renferme à la fois des dispositions déjà existantes et des éléments nouveaux, générant ainsi des apports significatifs pour le domaine professionnel de l’évaluation foncière municipale. Substantiellement modifiée après son adoption, notamment par de nombreux ajouts, elle est finalement remplacée par la Loi sur la fiscalité municipale, à compter de 1980.

 Contexte d’instauration de la Loi sur l’évaluation foncière (LEF)

Initialement implantées de 1796 à 1855, sous le Régime britannique, les dispositions législatives régissant les pratiques québécoises d’évaluation foncière municipale sont ensuite transposées et développées dans le Code municipal et dans la Loi des cités et villes, ainsi que dans les chartes particulières à quelques villes. Malgré plusieurs adaptations apportées au fil des ans, leur application individuelle par environ 1 650[1] municipalités s’avère, à la longue, peu conciliable avec l’évolution socioéconomique du Québec.

Ainsi, deux commissions royales d’enquête (Commission Tremblay en 1956 et Commission Bélanger en 1965) signalent de graves lacunes en cette matière, surtout à l’effet que :

  • une grande hétérogénéité caractérise les méthodes d’évaluation qui, bien que plus rationnelles dans certaines villes d’importance, s’avèrent généralement arbitraires ou défectueuses, ce qui nuit à la crédibilité de l’impôt foncier perçu sur cette base;
  • les propriétés ne sont pas évaluées à leur pleine valeur réelle malgré que la loi l’exige, ce qui affaiblit le pouvoir d’emprunt des municipalités, leur richesse foncière étant impossible à déterminer adéquatement;
  • cette situation entraîne des injustices intramunicipales (la marge d’erreur favorise les propriétés de grande valeur) et intermunicipales (quotes-parts trop approximatives).

Bien qu’elles concluent à la nécessité de procéder à une réforme de la fiscalité municipale au Québec, fondée sur le raffermissement et la crédibilité de l’impôt foncier, ces commissions concluent aussi à l’impossibilité d’y parvenir sans réformer d’abord l’évaluation foncière, dont la fiabilité est essentielle à la réalisation de toute réforme fiscale. À cette fin, elles recommandent au gouvernement du Québec de prendre les moyens législatifs nécessaires pour assujettir toutes les municipalités aux mêmes règles de mise au rôle et d’établissement des évaluations, de façon à obtenir des résultats comparables partout.

En septembre 1969, le Groupe de travail sur la réforme de la fiscalité et des finances municipales[2] livre une première tranche de son rapport, laquelle porte exclusivement sur la réforme de l’évaluation des biens-fonds, alors qualifiée d’« urgente ». On y trouve un total de 36 recommandations qui proposent des modalités très concrètes de mise en œuvre de la plupart des changements recommandés par les commissions précédentes. Visant l’équité et l’uniformité, ces recommandations s’articulent autour de trois axes :

  • refonte et mise à jour de la législation régissant l’évaluation foncière, par l’adoption d’une loi unique impliquant l’abrogation de toutes les dispositions existantes et la disparition des exceptions locales;
  • mise en place d’une structure semi-décentralisée à la fois fondée sur des regroupements municipaux chargés de dresser les rôles d’évaluation sur une base régionale (plutôt que locale) et sur la création d’une chambre québécoise de l’évaluation foncière, organisme gouvernemental chargé de coordonner, contrôler et soutenir les travaux des bureaux régionaux;
  • promulgation de normes officielles d’évaluation, notamment par le développement et l’application obligatoire d’un seul manuel d’évaluation municipale.

Le 28 juin 1971, sur la base de nombreux avis sollicités auprès de groupes concernés par de tels changements, le ministre des Affaires municipales, Me Maurice Tessier[3], présente le projet de loi 48, intitulé « Loi sur l’évaluation foncière ». Cela marque le début d’importants débats qui ont lieu dans les mois suivants, notamment devant la Commission permanente des affaires municipales, où 36 mémoires – aux points de vue parfois opposés – sont présentés et débattus.

Le ministre argumente alors que la loi projetée veut mettre fin à l’ère des lois permissives qui favorisent la diversité d’action en évaluation municipale. Il insiste aussi sur l’idée que « l’application de normes et critères identiques et obligatoires pour tous les rôles d’évaluation chassera de façon définitive de ce domaine les amateurs, les artisans et les charlatans ».

Au cours de ces travaux parlementaires, la quasi-totalité des articles du projet initial sont modifiés, annulés ou remplacés. Finalement sanctionné le 23 décembre 1971, le texte officiel de la LEF (L.Q. 1971, chap. 50) entre en vigueur le 1er janvier 1972.

Objectifs et mise en vigueur de la LEF

Tel qu’énoncé par les spécialistes et les autorités d’alors, l’adoption de la LEF est une étape préalable jugée nécessaire à la réalisation ultérieure d’une véritable réforme de la fiscalité municipale au Québec. C’est dans cette optique qu’elle est présentée comme une loi-cadre aux objectifs principaux consistant à :

  • répartir plus équitablement le fardeau fiscal foncier et améliorer la protection du contribuable à ce sujet;
  • favoriser le développement économique en assujettissant les entreprises similaires au même régime d’évaluation et en augmentant la compétitivité québécoise sur le plan de la fiscalité foncière;
  • améliorer la fiabilité et la comparabilité des données sur l’immobilier québécois, à la fois aux fins de financement, de recherche fiscale et de statistique.

À compter de sa mise en vigueur en 1972, la LEF a immédiatement préséance sur toutes les autres lois par l’effet d’une mesure transitoire spéciale qui rend inopérantes toutes les dispositions législatives inconciliables relatives aux matières visées (L.Q. 1971, chap. 50, art. 118). Cela lui confère ainsi l’exclusive compétence quant aux sujets qui y sont abordés, dont plusieurs sont toutefois « récupérés » des législations existantes.

Ainsi, la LEF rassemble et adapte bon nombre de dispositions relatives à l’évaluation foncière déjà généralisées par le Code municipal et la Loi des cités et villes. Elle universalise aussi plusieurs éléments nouveaux, provenant des chartes particulières des grandes villes ou issus des recommandations formulées par les commissions d’enquête, les groupes de travail et la commission parlementaire ayant précédé son adoption. De plus, en dépit de son titre, elle inclut aussi des dispositions instaurant divers choix à caractère fiscal (exemptions, régimes particuliers, biens non portables au rôle, etc.), ainsi que plusieurs règles régissant la taxation foncière[4]. Les importants changements qu’elle comporte justifient une vaste tournée d’information menée par le ministère des Affaires municipales en 1973-1974, dans plus de 35 villes du Québec.

Entre son entrée en vigueur et son remplacement, en 1980, par la Loi sur la fiscalité municipale, la LEF fait l’objet de plusieurs amendements[5], soit pour en améliorer l’efficacité, soit pour l’adapter à l’évolution économique ou professionnelle. Au cours de ces huit années, la LEF est amendée par 13 lois modificatrices, dont quatre y apportent des changements et des ajouts substantiels en 1972, 1973, 1975 et en 1978.

Principaux apports de la LEF aux pratiques québécoises d’évaluation foncière

À compter de 1972, la LEF rassemble et uniformise les dispositions régissant l’évaluation foncière, auparavant réparties dans plusieurs lois différentes, selon les municipalités concernées. De plus, elle comporte plusieurs apports significatifs quant aux pratiques d’évaluation foncière municipale au Québec, contribuant ainsi à la reconnaissance graduelle de celles-ci comme une spécialité professionnelle.

En considérant globalement les dispositions de la LEF d’abord adoptées en 1971 (identifiées par « LEF71 » ci-dessous), ainsi que celles y figurant après les modifications ou ajouts de 1972, 1973, 1975 et 1978 (identifiées par « LEF72, LEF73, … », ci-dessous), les principaux apports concrets de la LEF aux pratiques[6] d’évaluation foncière peuvent être sommairement décrits selon les neuf thèmes présentés ci-dessous :

Regroupement des autorités compétentes

L’adoption de la LEF s’inscrit dans le contexte où le gouvernement d’alors privilégie les regroupements municipaux et exerce une politique de « régionalisation » des services aux citoyens. En matière d’évaluation foncière, le regroupement des compétences est amorcé par la création des communautés urbaines (Québec et Montréal) et régionale (Outaouais) en 1969, alors que ces trois organismes deviennent responsables de l’évaluation foncière pour les 99 municipalités de leur territoire respectif. La LEF étend cette politique à l’échelle du Québec par :

  • une première tentative infructueuse d’inciter puis de contraindre les corporations municipales à se regrouper et à en désigner une comme mandataire pour exécuter les travaux d’évaluation foncière (LEF71, art. 1, par. h et i, art. 34 à 37);
  • un transfert ensuite réussi de cette compétence aux conseils de comté, pour les corporations autres que les cités et villes (LEF73, art. 1, par. h et i, art. 36);
  • une ouverture aux ententes de délégation de compétence entre municipalités (LEF73, art. 33);
  • un résultat probant : au lieu de 1 588 centres de décision locaux (en 1971), 343 organismes exercent la compétence[7] en évaluation foncière à compter de 1974, soit 3 communautés, 71 conseils de comté et 272 cités ou villes.

Consolidation de la notion de valeur réelle

La LEF est d’abord adoptée en incluant la valeur « marchande » comme base des évaluations devant être inscrites aux rôles (LEF71, art. 1, par. k et art. 8) et contient une définition spécifique (LEF71, art. 1, par. q) de cette notion, jusqu’alors inédite dans la législation.

Par souci d’éviter des divergences jurisprudentielles indésirables jusqu’à la diffusion d’un manuel spécialisé, la notion de valeur « réelle », connue dans les législations municipales depuis 1855, est réintroduite dans la LEF en 1973 (LEF73, art. 1, par. k et art. 8), mais sans définition.

Requalification de l’évaluateur

  • instauration obligatoire de la fonction d’« évaluateur » comme personne responsable de la confection et de la tenue à jour de tout rôle d’évaluation sous la juridiction de chaque autorité compétente (LEF71, art. 2, al. 1). Le terme « estimateur » est éliminé du vocabulaire législatif;
  • introduction du permis d’évaluateur municipal[8] comme exigence absolue au droit d’exercer la fonction d’évaluateur au sens de la LEF (LEF71, art. 97, al. 1). Cette exigence est ensuite abolie pour quiconque devient membre de la Corporation des évaluateurs agréés du Québec après le 1er janvier 1976 (LEF75, art. 97, al. 1);
  • reconnaissance du fait qu’une société ou corporation peut être l’ » évaluateur » au sens de la loi, pourvu qu’elle exerce cette fonction par l’entremise de l’un de ses administrateurs ou employés qui respecte les exigences y afférentes (LEF72, art. 2, al. 4).

Changements aux règles de confection et de dépôt des rôles

Tant lors de son adoption que de ses amendements subséquents, la LEF apporte de nombreuses précisions et modifications aux règles applicables, avant 1972, à la confection et au dépôt des rôles d’évaluation. Les plus significatives sont :

  • l’instauration des rôles à durée quinquennale (5 ans), sur ordonnance ministérielle à cet effet (LEF71, art. 6 et 108). À compter de 1976, cette durée devient annuelle, toujours conditionnelle à l’émission d’une ordonnance du ministre (LEF75, art. 6, al. 1 et 108, al. 1);
  • l’introduction du principe général à l’effet que tous les immeubles doivent être inscrits au rôle, à moins d’une disposition contraire (LEF73, art. 8);
  • l’exigence que les immeubles soient portés au rôle au nom du propriétaire du fonds de terre (LEF71, art. 11, al. 1) ou au nom du propriétaire du bâtiment placé sur ce fonds lorsque celui-ci appartient à un organisme public (LEF73, art. 11, al. 1);
  • l’élargissement de la plage horaire pendant laquelle l’évaluateur ou son représentant peut visiter et examiner tout immeuble porté au rôle, soit entre 9 heures et 21 heures (au lieu de 10 heures à 17 heures dans la Loi sur les cités et villes), et l’exigence nouvelle d’une carte d’identité délivrée ou certifiée par la municipalité (LEF71, art. 4);
  • la précision de la date d’établissement de la valeur réelle (date d’évaluation), fixée au 1er janvier précédant le dépôt du rôle (LEF75, art. 8);
  • l’instauration d’inscriptions particulières au rôle, chaque fois que la loi dispose qu’un immeuble n’est pas imposé à sa pleine valeur réelle, pour y faire état de sa valeur imposable ou du fait de son exemption, selon le cas, ainsi que pour y mentionner la source législative concernée (LEF75, art. 7, al. 1). À compter de 1977, ces inscriptions se nomment « répartitions fiscales » dans les rôles d’évaluation;
  • l’imposition d’une seule période de dépôt de tout rôle[9], fixée du 8 au 15 novembre précédant son entrée en vigueur (LEF71, art. 23);

Réorganisation du traitement des plaintes

La mise en vigueur de la LEF change l’organisation et les règles de traitement des plaintes sur l’évaluation foncière, antérieurement sous la responsabilité de chaque conseil local. Les plus importants changements sont :

  • la définition ministérielle de plusieurs districts de révision pouvant couvrir tout le territoire québécois et l’établissement, pour chacun, d’un « Bureau de révision » ayant pour seule fonction de disposer des plaintes et défrayé par les corporations municipales du district concerné (LEF71, art. 44, 45 et 48);
  • la création, à compter de 1973, du « Bureau de révision de l’évaluation foncière du Québec» (BREF) pour disposer des plaintes formulées, au lieu des bureaux de district. Sous l’entière responsabilité du gouvernement, cet organisme est divisé en deux sections ayant compétence dans le district de Québec ou dans celui de Montréal, dont le territoire de chacun est déterminé par ordonnance du ministre (LEF73, art. 44 et 46). Ces deux territoires sont ensuite graduellement élargis jusqu’en 1980 pour finalement couvrir tout le Québec, éliminant ainsi les bureaux de révision antérieurs;
  • l’exigence que le dépôt de toute plainte s’effectue par écrit (poste recommandée ou certifiée à compter de 1974), soit au bureau du greffier municipal qui la transmet au bureau de district, soit celui du BREF, selon celui qui a juridiction sur le territoire concerné (LEF73, art. 67, al. 1);
  • la limitation des interventions des bureaux de révision (de district ou BREF) aux seules inscriptions au rôle qui ont fait l’objet d’une plainte instruite devant eux (LEF71, art. 70, al. 1), ce qui met fin aux révisions pouvant antérieurement être initiées par les autorités locales;
  • l’introduction, à compter de 1973, de la disposition à l’effet qu’un bureau de révision n’est tenu de modifier une inscription au rôle que dans le cas où un préjudice réel a été causé, en tenant compte de la valeur réelle à la date de l’évaluation (LEF73, art. 70, al. 1 et 2).

Formalisation de la tenue à jour du rôle

La mise en vigueur de la LEF confère un caractère plus formel à la tenue à jour des rôles d’évaluation. Plus précisément décrite et encadrée, cette opération fait désormais l’objet d’une section distincte de la loi, dont les effets les plus déterminants à ce sujet sont :

  • le transfert à l’évaluateur (au lieu du greffier ou du conseil local) de la responsabilité de modifier tout rôle déposé, par le moyen unique du certificat de l’évaluateur (LEF71, art. 94, al. 1), dont la signature peut y être imprimée, lithographiée ou gravée (LEF75, art. 88, al. 1);
  • l’énumération, en un seul article de loi, des motifs requérant la modification du rôle (LEF71, art. 86). De 5 motifs lors de l’adoption de la LEF, cette énumération en compte 9 en 1972, puis 11 en 1978;
  • l’ajout du motif de modification au rôle pour y corriger une erreur d’écriture (LEF71, art. 86, par. b);
  • l’uniformisation à deux ans de la période au terme de laquelle une construction est portée au rôle, même si elle n’est pas substantiellement terminée ou occupée pour les fins de sa destination initiale ou d’une nouvelle destination (LEF71, art. 10).

Réduction du pouvoir d’intervention des municipalités locales

En accroissant les responsabilités des conseils de comté, des évaluateurs et des bureaux de révision en matière d’évaluation foncière, la LEF réduit d’autant celles antérieurement attribuées aux conseils municipaux locaux et à leurs officiers. Malgré cela, ces derniers doivent :

  • nommer annuellement une personne pour assister l’évaluateur pour les fins de la confection du rôle, s’il s’agit d’une corporation municipale faisant partie d’une corporation de comté (LEF73, art. 2, al. 5);
  • modifier le rôle pour le rendre conforme à toute décision de dernier ressort rendue sur une plainte ou une contestation dont il fait l’objet (LEF75, art. 26, al. 2)
  • modifier, au rôle des corporations rurales, les renseignements requis pour l’élection des membres du conseil (LEF72, art. 94);
  • expédier, avant le 1er mars, à chacun des contribuables inscrits au rôle un avis lui indiquant les immeubles portés à son nom, leur valeur inscrite au rôle, la façon de formuler une plainte et le délai dans lequel elle doit être déposée (LEF72, art. 25, al. 1);

De plus, la municipalité locale peut demander à l’évaluateur de dresser, chaque année à l’époque et dans le délai qu’elle fixe, un rôle de la valeur locative sur tout ou partie des immeubles dont la LEF exige l’inscription au rôle foncier (LEF72, art. 28, al. 1 et 3).

Accentuation des pouvoirs du gouvernement

Pour assurer la réalisation des réformes administratives et fiscales amorcées par la mise en vigueur de la LEF, cette dernière introduit divers pouvoirs accordés au ministre des affaires municipales et consistant principalement à :

  • prescrire, par règlement, la forme et le contenu du rôle ainsi que le processus administratif et les formules inhérentes à sa confection et à sa tenue à jour (LEF75, art. 7, al. 5);
  • permettre, sur preuve suffisante qui lui est fournie, que le rôle soit déposé ou que l’avis d’évaluation soit expédié à toute date ultérieure à celles prescrites et qu’il fixe (LEF73, art. 23, al. 2 et 25, al. 4);
  • obtenir, sans frais, une copie ou un extrait du rôle en vigueur ou du rôle antérieur. Il peut aussi mandater une personne à prendre connaissance des documents rassemblés ou préparés par l’évaluateur et lui exiger de produire et exhiber tels documents (LEF75, art. 6, al. 5 et 6);
  • prescrire, par règlement, la forme et le contenu minimal de l’avis d’évaluation, du compte de taxe foncière générale municipale, du compte de taxe basée sur la valeur locative, ainsi que du certificat de l’évaluateur (LEF78, art. 96a);
  • demander et ultimement ordonner, sur recommandation de la Commission municipale, le transfert de compétence d’une municipalité à une autre, si des données lui permettent de croire à sa pertinence (LEF75, art. 34);
  • accomplir, s’il juge que l’intérêt public le commande, tout acte que la LEF, une ordonnance ou un règlement en découlant impose à une municipalité ou à un évaluateur (LEF75, art. 98, al. 1).

Autres apports de la LEF

  • introduction du concept de rôle de valeur locative, distinct du rôle foncier et facultatif pour toute municipalité. Applicable à tout terrain ou local pouvant être occupé distinctement, la valeur locative est portée au rôle au nom de l’occupant et s’établit sur la base du revenu annuel qui proviendrait de sa location aux conditions du marché (LEF71, art. 28 à 32).
  • affirmation du droit de propriété de chaque municipalité locale sur son rôle d’évaluation et sur les documents rassemblés ou préparés par l’évaluateur en vue de sa confection, qu’ils y aient servi ou non; l’évaluateur en est seulement le gardien (LEF75, art. 6, al. 2 et 3);
  • déclaration du caractère confidentiel des documents rassemblés ou préparés par l’évaluateur, sauf quant au droit du propriétaire de consulter tout document relatif à son immeuble (LEF75, art. 6, al. 4).

    Sources de référence utilisées aux fins de la présente capsule

    • Rapport de la Commission royale d’enquête sur les problèmes constitutionnels, Volume III, Tome II, (Thomas Tremblay, prés.), février 1956, pp. 162 à 166 et 190 à 196.
    • Rapport de la Commission royale d’enquête sur la fiscalité (Marcel Bélanger, prés.), gouvernement du Québec, décembre 1965, pp. 17-26 et 289-299.
    • Les communautés urbaines : une solution moderne à des besoins nouveaux, Municipalité 69, Juillet-Août 1969, p.1.
    • L’évaluation des biens-fonds, Première tranche du rapport du Groupe de travail sur la réforme de la fiscalité et des finances municipales (Albert Boulet, prés.), gouvernement du Québec, septembre 1969, 56 pages.
    • Une véritable politique de régionalisation, Me Maurice Tessier, Municipalité 70, Novembre 1970, p. 3 et 4.
    • Le projet de loi sur l’uniformité des rôles sera révisé, Claude Masson, La Presse, 1971-09-10, p. A2.
    • Journal des débats, Commission permanente des Affaires municipales, Séance du 1971-12-14, Site web de l’Assemblée nationale.
    • Loi sur l’évaluation foncière (Q. 1971, c. 50), sanctionnée le 1971-12-23, Site web de l’Assemblée nationale.
    • L’ère de la diversité d’action en évaluation municipale est maintenant révolue, Maurice Tessier, Municipalité 72, Janvier/Février 1972, p. 6.
    • Loi modifiant la Loi sur l’évaluation foncière (Q. 1972, c. 46), sanctionnée le 1972-07-08, Site web de l’Assemblée nationale.
    • Un texte de valeur, Jules Bergeron É.A., Revue L’évaluateur, août 1972, pp. 12 à 15.
    • La Loi 48 : des rôles d’évaluation régionaux, Florian Bernard, La Presse, 1972-09-15, p. D-10.
    • Message de Me Maurice Tessier, ministre des Affaires municipales, sur la loi de l’évaluation foncière, Municipalité 72, novembre 1972, pp. 3 à 5.
    • Directives sur l’évaluation foncière, Me Richard Beaulieu, Municipalité 72, novembre 1972, pp. 8 à 11.
    • Journal des débats, Commission permanente des Affaires municipales, Séance du 1973-07-06, Site web de l’Assemblée nationale.
    • Loi modifiant la Loi sur l’évaluation foncière (Q. 1973, c. 31), sanctionnée le 1973-07-06, Site web de l’Assemblée nationale.
    • Étude chronologique de la constitution et du regroupement des municipalités du Québec, Julien Drapeau, Revue Municipalité, novembre 1973.
    • Participation massive aux séances d’information sur l’évaluation foncière, Municipalité 74, mai 1974, p. 25.
    • Loi modifiant de nouveau la Loi sur l’évaluation foncière (Q. 1975, c. 68), sanctionnée le 1975-12-19, Site web de l’Assemblée nationale.
    • La réforme administrative de l’évaluation foncière (Programme de formation des cadres municipaux), Ministère des Affaires municipales, mars 1977, pp. 11 à 14.
    • Dissocier « Taxation » et « Évaluation », Municipalité 78, juillet 1978, p. 8.
    • Loi modifiant la Loi sur l’évaluation foncière et modifiant d’autres dispositions législatives (Q. 1978, c. 59), sanctionnée le 1978-12-22), Site web de l’Assemblée nationale.
    • Loi sur l’évaluation foncière (RLRQ, chapitre E-16), à jour au 31 décembre 1979, LégisQuébec, legisquebec.gouv.qc.ca.
    • La réforme sur l’évaluation foncière au Québec, son histoire et son bilan évolutif, Yves Lachapelle, Le Faisceau, été 1996, pp. 7 à 9.
    • Biographie du député Maurice Tessier (1913-2005), Site web de l’Assemblée nationale, août 2015.

    [1] En 1971, le Québec compte 1 662 municipalités, dont 264 ont le statut de cité ou de ville.

    [2] Le Groupe de travail sur la réforme de la fiscalité et des finances municipales est mandaté en février 1969 par le ministre Robert Lussier pour réviser en profondeur les dispositions législatives régissant ces matières. Présidé par M. Albert Boulet, c.a., ce groupe livre une première tranche de son rapport en septembre 1969, concernant l’urgence des réformes requises en évaluation foncière. Ce « pré-rapport » forme ensuite le chapitre 1 du rapport final, déposé en avril 1970.

    [3] Avocat de profession à compter de 1939, Me Maurice Tessier est maire de Rimouski de 1961 à 1969 et président de l’Union des municipalités du Québec en 1967 et 1968. Élu député du Parti libéral du Québec en avril 1970, il est aussitôt nommé ministre des Affaires municipales et assume notamment, jusqu’en 1973, la responsabilité de l’adoption et de la mise en application de la Loi sur l’évaluation foncière.

    [4] Comme la LEF régit à la fois l’évaluation foncière et plusieurs aspects de la taxation foncière, le dépôt de nouveaux rôles en vertu de cette loi est source de confusion et même d’affrontements entre contribuables et conseils municipaux. À ce sujet, l’Association des évaluateurs municipaux du Québec propose, en 1978, de dissocier « taxation » et « évaluation » en excluant de la LEF tous les articles relatifs à la taxation, pour les intégrer au Code municipal ou à toute autre loi plus pertinente.

    [5] Entre sa mise en vigueur, en janvier 1972 et son abrogation, décembre 1979, la LEF est amendée par 13 lois modificatrices, dont neuf concernent surtout des ajustements de concordance. Par ailleurs, quatre lois y apportent des changements et ajouts substantiels en juillet 1972 (chap. 46), juillet 1973 (chap. 31), décembre 1975 (chap. 68) et décembre 1978 (chap. 59). Ainsi, le texte de la LEF de 1979 contient 54% plus de mots (17 254) que lors de sa mise en vigueur (11 134).

    [6] En raison de l’étendue et de la complexité du sujet, la nomenclature des biens non portés au rôle, ainsi que celle des immeubles partiellement ou totalement non imposables ne font pas l’objet de la présente analyse. Il en est de même pour les autres dispositions à caractère fiscal qui décrivent davantage l’application de politiques gouvernementales que l’exercice de pratiques professionnelles.

    [7] À compter de 1973, la LEF désigne par le mot « municipalité » tout organisme (Communauté, cité ou ville et conseil de comté) qui détient la compétence en matière d’évaluation foncière et par les termes « corporation municipale » toute autre corporation de cité, de ville, de village ou de campagne, quelle que soit la loi qui la régit (art. 1, par. h et i). À compter de 1980, la Loi sur la fiscalité municipale emploie les termes « organisme municipal responsable de l’évaluation », ce qui porte moins à confusion.

    [8] La détention d’un permis d’évaluateur municipal délivré par la Commission municipale du Québec (CMQ) est une exigence applicable à toute personne agissant à titre d’évaluateur, au sens de la LEF. De 1972 à 1986, ce permis est octroyé à quelque 300 personnes ayant réussi un examen administré par la CMQ, selon des critères convenus avec la Corporation professionnelle des évaluateurs agréés du Québec. Graduellement remplacée par celle de détenir le titre d’évaluateur agréé, cette exigence est finalement abolie en 2001.

    [9] Bien que la période de dépôt de tout rôle soit fixée du 8 au 15 novembre précédant son entrée en vigueur, les rôles des villes de Québec et Montréal font exception à cette règle jusqu’en 1979 et doivent être déposés avant le 1er mars, pour tenir compte du fait que l’exercice financier de ces villes diffère de l’année civile.