4.8 Modernisation de l’évaluation foncière
Présentation et sommaire
La « modernisation de l’évaluation foncière » est l’expression qui désigne globalement les changements réglementaires et normatifs introduits en 2010 pour adapter les pratiques d’évaluation foncière municipale au contexte professionnel et technologique contemporain. Cette modernisation vise principalement le contenu de tout dossier d’évaluation et, par extension, toutes les opérations qui y sont reliées.
Précédée, à compter de 2005, d’une période de consultations, de recherches et de développements, la modernisation de l’évaluation foncière se concrétise d’abord par des changements majeurs apportés en 2010 au Règlement sur le rôle d’évaluation foncière (RREF) et au Manuel d’évaluation foncière du Québec (MEFQ), puis par la mise en vigueur, en 2013, de la nouvelle Norme de pratique professionnelle en évaluation municipale (Norme 20.1) de l’Ordre des évaluateurs agréés du Québec (OEAQ). Elle s’implante ensuite graduellement dans les pratiques des évaluateurs, jusqu’en 2020[1].
Consultations, recherches et développements préalables (2005-2010)
En novembre 2005, tenant compte des multiples demandes d’assouplissements qui lui sont formulées depuis quelques années, ainsi que du nombre croissant de dérogations qui sont constatées, le ministère des Affaires municipales diffuse d’abord un document de réflexion quant aux diverses pistes de changements possibles. Une consultation générale des praticiens de l’évaluation municipale est ensuite menée et se conclut par la production, en 2006, d’un document synthèse sur les problèmes et les avenues de solution.
Il apparaît alors évident qu’une révision des règles sur la forme et le contenu des dossiers d’évaluation est devenue incontournable, parce que :
- le contenu des formulaires prescrits pour constituer les dossiers d’évaluation a été déterminé il y a 30 ans;
- le développement et l’implantation généralisée de moyens informatiques ont radicalement transformé la façon de traiter les renseignements pertinents à des fins d’évaluation foncière municipale;
- une évolution très significative a également touché plusieurs autres aspects du système québécois d’évaluation municipale (construction immobilière, maturité professionnelle, exigences citoyennes, etc.);
- le système administratif des « formulaires à compléter » s’avère mal adapté aux réalités modernes et plusieurs des obligations qui y sont associées sont devenues désuètes;
- la crédibilité future des dossiers servant de base à l’imposition foncière doit être assurée, pour favoriser la pérennité de ce système fiscal.
Annoncées en mai 2007, les lignes directrices des recherches et des développements projetés par le Ministère pour réaliser cette modernisation consistent principalement à rationaliser les renseignements prescrits et à mieux s’adapter au contexte technologique, dans le respect des besoins d’information des contribuables fonciers. Échelonnés de 2007 à 2010, ces travaux mettent également à contribution un Comité réviseur formé de divers spécialistes de plusieurs disciplines (évaluateurs, informaticiens, etc.).

Modernisation du Règlement sur le rôle d’évaluation foncière (2009-2010)
À la suite d’un amendement législatif apporté en 2009 pour modifier le pouvoir ministériel de réglementation (2009, c. 26, a. 71), le RREF est substantiellement modifié en 2010 pour prescrire la modernisation annoncée. Ayant un impact majeur sur les pratiques d’évaluation foncière existantes, ce changement réglementaire a pour principaux effets :
- d’éliminer les formulaires obligatoires et leurs équivalents informatiques, remplacés par la seule prescription de renseignements informatisés définis au Manuel (art. 4);
- d’instaurer une forme explicite de présentation publique des renseignements figurant au rôle d’évaluation, pour en faciliter la compréhension par les citoyens (art. 20);
- d’imposer des règles universelles de transmission électronique des renseignements d’évaluation foncière, afin d’assurer la cohérence des transmissions entre tous les intervenants concernés (art. 21).
Modernisation du Manuel d’évaluation foncière du Québec (2009-2013)
Le RREF ainsi amendé prescrit l’usage de l’édition modernisée MEFQ, laquelle acquiert un caractère officiel par la publication d’un avis ministériel à cet effet, le 21 août 2010 (G.O.Q, partie 1, p. 965). Cette édition remplace alors l’ensemble des volumes formant le manuel existant, qui demeure toutefois valide pour la période transitoire prévue au règlement.
La modernisation du MEFQ se caractérise d’abord par d’importantes innovations de forme, dont les principales sont :
- une restructuration complète de son contenu, calqué sur les étapes du processus prescrit de confection et de tenue à jour du rôle d’évaluation foncière. Il comporte cinq grandes parties (au lieu de sept volumes), elles-mêmes divisées en plusieurs parties (20 au total);
- une diffusion exclusivement en ligne, accessible seulement au moyen d’un abonnement annuel;
- une présentation optimisée pour la consultation électronique, grâce à des outils visuels standardisés et facilement repérables (trames de couleur, puces, pictogrammes, etc.);
Bien que plusieurs éléments figurant déjà au MEFQ soient reconduits dans son édition modernisée, celle-ci comporte aussi des nouveautés de contenu qui s’avèrent déterminantes, dont notamment :
- des consignes techniques appropriées sur le système d’information géographique (partie 2B);
- l’allègement des renseignements descriptifs requis quant aux bâtiments et l’introduction de renseignements qualitatifs sur leur qualité et leur état (partie 2C);
- l’instauration d’une nette distinction entre les renseignements utilisés et les actes professionnels d’évaluation qui sont posés, la démonstration de ces derniers n’étant plus prescrite au dossier de propriété (parties 2C, 3C, 3D et 3E);
- l’établissement systématique de la classe et de l’âge apparent des bâtiments (partie 3E);
- de nouvelles règles d’affichage public du rôle d’évaluation (partie 4B);
- des normes universelles de transmission électronique des renseignements.
Modernisation des Normes de pratique professionnelle de l’OEAQ (2013)
Afin de refléter les prescriptions gouvernementales de 2010 sur la modernisation de l’évaluation foncière, le conseil d’administration de l’Ordre adopte, le 31 janvier 2013, une nouvelle norme de pratique en matière d’évaluation municipale : la norme 20.1. Résultant des travaux de recherche, d’analyse et de révision effectués par un comité de spécialistes de cette discipline, l’adoption de cette nouvelle norme a notamment pour buts :
- d’identifier clairement les obligations professionnelles de l’évaluateur en matière d’évaluation municipale;
- d’uniformiser la terminologie entre les normes et les textes modernisés (réglementation et MEFQ);
- de servir aux donneurs d’ouvrage (ex : OMRE) pour établir les obligations de l’évaluateur lors de la rédaction d’appels d’offres.
La norme 20.1 de 2013 est formée d’un ensemble d’énoncés numérotés distinctement et structurés, tout comme l’édition modernisée du MEFQ, selon l’ordre du processus de confection et de tenue à jour prescrit par la réglementation provinciale. Elle détaille ainsi l’ensemble des éléments retenus pour décrire les obligations professionnelles applicables aux évaluateurs agréés œuvrant en matière d’évaluation foncière municipale au Québec. Outre la prise en compte des changements méthodologiques et normatifs caractérisant la modernisation du RREF et du MEFQ, elle apporte plusieurs innovations significatives, telles :
- l’obligation d’avoir accès aux ouvrages de référence reconnus (1.1);
- l’obligation de pouvoir expliquer clairement les principales prescriptions (1.2);
- la définition des actes visés par la vérification de l’exactitude des renseignements descriptifs (2.2.2.1);
- l’obligation de tenir à jour un fichier des nouvelles constructions (2.6);
- l’obligation que toute analyse ou décision identifie l’évaluateur agréé qui en est l’auteur ou qui en a vérifié la réalisation (3.3.3).
Bien que la norme 20.1 entre en vigueur dès son adoption, le 31 janvier 2013, les modalités de transition régissant son application stipulent qu’elle ne prend effet qu’à l’égard de la confection de tout rôle d’évaluation entrant en vigueur le 1er janvier 2016[2] ou après, ce qui s’harmonise à l’échéancier d’application du RREF «modernisé».
Sources de référence utilisées aux fins de la présente capsule
- La modernisation des règles régissant le contenu des dossiers d’évaluation municipale au Québec – Document de réflexion à l’intention des praticiens, MAMR, novembre 2005, 18 pages.
- Commentaires et propositions formulés par les praticiens lors des ateliers de consultation, Direction de l’évaluation foncière, MAMR, mars 2006, 28 pages.
- Faire les bons choix pour bien moderniser les dossiers d’évaluation foncière, conférence de M. Luc Sauvageau, Congrès annuel de l’AEMQ, 2007-05-26.
- C’est QUOI la modernisation de la réglementation des dossiers d’évaluation?, conférence de M. Alain Raby É.A., Congrès annuel de l’AEMQ, 2007-05-26.
- Feu vert à la modernisation des dossiers d’évaluation, conférence de MM. Luc Sauvageau et Alain Raby, Congrès annuel de l’AEMQ, 2009-05-29.
- L’édition modernisée 2010 du Manuel d’évaluation foncière du Québec (dépliant), MAMROT, mai 2009.
- Communiqués du MAM à l’intention des évaluateurs : 2005-11-03, 2005-12-12, 2009-05-28, 2010-05-26, 2010-09-22.
- Les outils d’évaluation municipale se modernisent, Alain Raby É.A., Revue Carrefour (COMAQ), printemps 2012, p. 19.
- Éléments de base caractérisant la modernisation (Module 1 du programme de formation de transition sur la modernisation), MAMROT, novembre 2011.
- Une nouvelle norme de pratique en évaluation municipale, AlinÉA, mars 2013, p. 8.
- Gazette officielle du Québec : 2010-08-04 G.O.2, 3533; 2010-08-21 G.O.1, 965 ; 2015-06-23 G.O.2, 1769.
- Modernisation réglementaire 2010-2016, site Web du MAMOT (www.mamrot.gouv.qc.ca), section Évaluation foncière, consulté le 2014-04-17.
- Norme 20.1 – Norme de pratique professionnelle des évaluateurs agréés en matière d’évaluation municipale (version Février 2014), Site web de l’OEAQ, février 2016.
[1] Les mesures réglementaires de 2010 imposent d’abord cette implantation pour tout rôle triennal entrant en vigueur à compter de 2016, ce qui accorde aux municipalités un délai pouvant aller jusqu’à la fin de 2017, selon les situations. En 2015 toutefois, cette date butoir est reportée :
- de trois ans en ce qui concerne les renseignements descriptifs des bâtiments non résidentiels, ce qui porte le délai ultime à 2020 pour ce type de propriété ;
- jusqu’à ce que la rénovation cadastrale couvre au moins 80% du territoire de la municipalité, quant à la mise en place du système d’information géographique.
[2] Les normes antérieures (normes 19 et 20) continuent d’avoir effet quant à tout rôle entrant en vigueur avant 2016, lorsqu’elles sont applicables. Il en est de même quant aux dossiers des bâtiments non résidentiels pour lesquels le délai réglementaire alloué est plus long.