4.9 Permis d’évaluateur municipal
Présentation et sommaire
Le permis délivré par la Commission municipale du Québec est une exigence législative instaurée en 1972 et qui confère, à la personne qui le détient, le droit exclusif d’occuper la fonction d’évaluateur de toute municipalité détenant la compétence en matière d’évaluation foncière municipale. Octroyé aux personnes ayant réussi un examen administré par cette commission, ce permis assure alors un niveau de connaissances suffisant aux professionnels responsables de l’application des nouvelles mesures législatives.
L’exigence de détenir un tel permis pour exercer la fonction d’évaluateur d’une municipalité s’est appliquée de 1972 à 2001. Au cours de cette période, elle est graduellement remplacée par celle de détenir le titre d’évaluateur agréé. Au total, quatre époques permettent de décrire adéquatement l’évolution des exigences législatives relatives au droit d’agir comme évaluateur d’une municipalité : avant 1972, 1972-1975, 1976-2001 et depuis 2001.
Avant 1972 : aucune exigence
Avant l’entrée en vigueur de la Loi sur l’évaluation foncière (LEF), en 1972, les règles applicables à la confection des rôles d’évaluation sont celles énoncées au Code municipal ou à la Loi sur les cités et villes, selon la municipalité concernée. Outre les dispositions qui rendent certaines personnes inhabiles à occuper une charge municipale, ces deux lois (qui remontent à 1871 et 1903, respectivement) imposent à chaque municipalité de se nommer trois « estimateurs »[1] qui doivent agir ensemble. Si ce n’est que d’être propriétaire d’un bien-fonds d’une certaine valeur[2] , ces lois n’exigent pas de titre particulier, ni de formation spécialisée pour être nommé estimateur.
Au cours des années 50 et 60, des commissions d’enquête et groupes de travail sur la fiscalité soulignent la vétusté de ces dispositions et recommandent l’instauration de nouvelles règles visant une formation adéquate et uniforme des estimateurs municipaux, ainsi qu’un suivi accru de la qualité de leurs travaux.
De 1962 à 1970 toutefois, l’Institut des estimateurs municipaux du Québec[3] diffuse un programme de formation spécialisée en évaluation municipale et décerne la certification « M.I.E. » (Membre de l’Institut des Estimateurs) à toute personne qui en satisfait les exigences. Cette certification est alors reconnue dans les milieux professionnels de l’époque et donne même droit au titre d’évaluateur agréé, selon les règles de création de la Corporation des évaluateurs agréés du Québec (CEAQ), en 1969. Elle n’est cependant exigée par aucune loi pour œuvrer dans le domaine de l’évaluation municipale.
De 1972 à 1975 : le permis de la Commission municipale du Québec seulement
Comme pour de nombreux autres sujets, l’entrée en vigueur de la LEF (1er janvier 1972) change les règles relatives aux droits de pratique. Cette loi élimine le terme « estimateur » du vocabulaire législatif et instaure la fonction d’« évaluateur » comme personne responsable de la confection et de la tenue à jour de tout rôle d’évaluation sous la juridiction de chaque municipalité détenant la compétence en cette matière (soit 71 corporations de comté et 215 communautés, cités ou villes). Elle confie alors la responsabilité du rôle d’une telle municipalité à un seul évaluateur et exige aussi que celui-ci détienne un permis délivré à cette fin par la Commission municipale du Québec (CMQ) selon des critères approuvés par le gouvernement (L.Q. 1971, chap. 50, art. 97).
L’introduction de cette exigence absolue vise alors à s’assurer que le milieu puisse répondre rapidement à la demande d’évaluateurs ayant les connaissances requises pour appliquer adéquatement la nouvelle loi et le manuel d’évaluation foncière projeté.
Établis par la CMQ après consultation de la Corporation professionnelle des évaluateurs agréés du Québec (CPEAQ), les critères de délivrance[4] du permis d’évaluateur municipal reposent sur les connaissances, capacités et expériences de l’aspirant(e). Ils comportent deux exigences :
- avoir huit années d’expérience dans le domaine de l’évaluation municipale. L’expérience dans un champ connexe, les études universitaires et autres formations pertinentes peuvent toutefois être reconnues par la CMQ;
- réussir l’examen administré par la CMQ avec le minimum requis sur chacun des sept thèmes visés : la loi, le plan de compilation des terrains (« tax-map »), la valeur de remplacement, la valeur du marché, la valeur économique, la corrélation et les procédures suivant le dépôt du rôle (défense, révision, etc.).
Bien que les premiers permis, délivrés en 1972, résultent d’une épreuve orale seulement, un examen écrit est ajouté au cours des années suivantes. De 1972, à 1986, un tel permis est ainsi octroyé à un total d’environ 300 personnes.
De 1976 à 2001 : le permis de la CMQ ou le titre d’évaluateur agréé
En 1975, un amendement apporté à la LEF étend ce même droit à toute personne qui devient membre de la CPEAQ après le 1er janvier 1976 (L.Q. 1975, c. 68, a. 35), cette date correspondant au moment à partir duquel les exigences d’admission de la CPEAQ comprennent une formation universitaire. Cette disposition a alors pour effet de :
- donner automatiquement le droit d’agir comme signataire de rôle à tous les « nouveaux » évaluateurs agréés, conférant ainsi à la CPEAQ la responsabilité du suivi et de l’encadrement de ces professionnels;
- maintenir le droit de pratique des détenteurs de permis de la CMQ, ainsi que la capacité de celle-ci d’en délivrer de nouveaux (Note : la CMQ a délivré moins de 100 permis d’évaluateur municipal après le 1er janvier 1976).
À compter de 1980, cette double possibilité de qualification pour agir à titre de signataire de rôle est reconduite dans la Loi sur la fiscalité municipale (LFM). Cette situation se maintient jusqu’en janvier 2001.
Depuis 2001 : le titre d’évaluateur agréé seulement
Les permis délivrés par la CMQ depuis 1972 ne comportent pas de période de validité, ni même de modalités de renouvellement ou de contrôle. Il s’avère ainsi que, contrairement aux évaluateurs agréés, leurs détenteurs ne sont soumis à aucune exigence déontologique, d’inspection professionnelle ou de perfectionnement.
Après consultations auprès de la CMQ et de la CPEAQ, un amendement retire de la LFM, en 1999, le droit de pratique des détenteurs de permis délivrés par la CMQ, de même que la juridiction de cette dernière en cette matière (L.Q. 1999, c. 90, a. 22 et suivants). La mise en vigueur de cet amendement est toutefois assujettie à la mise en place de mécanismes d’intégration des détenteurs de tels permis à titre de membres de l’Ordre des évaluateurs agréés du Québec (OEAQ) (L.Q. 1999, c. 90, a. 52). Aussi, en février 2000, les règles relatives aux normes d’équivalence de formation et aux conditions d’admission à titre de membre de l’OEAQ sont modifiées pour :
- accorder l’équivalence de formation à toute personne titulaire d’un permis délivré par la CMQ;
- exempter une telle personne du stage, mais non de l’examen d’admission, si elle possède :
- au moins cinq ans d’expérience en évaluation municipale au Québec depuis 1990 ou
- au moins deux ans d’expérience pertinente ET un diplôme (DEC ou bacc.) obtenu il y a moins de 10 ans;
- exempter une telle personne du stage et de l’examen d’admission, si elle agissait à titre de signataire d’au moins un rôle d’évaluation déposé à l’automne 1999 ou déjà en vigueur à cette période.
La mise en vigueur des dispositions abolissant le droit de pratique des détenteurs de permis délivrés par la CMQ est ensuite fixée au 31 janvier 2001 par décret du gouvernement, conférant désormais l’exclusivité du droit d’agir comme signataire de rôle aux seuls évaluateurs agréés.
Sources de référence utilisées aux fins de la présente capsule
- Code municipal de la province de Québec, (34 Vict. Chap. 68), articles 374, 649 et suivants, sanctionné le 1870-12-24.
- Loi sur l’évaluation foncière (RLRQ, c. E-16), article 97, amendé par 1975, c. 68, a. 35, LégisQuébec (legisquebec.gouv.qc.ca), consulté le 2016-03-07.
- L’évaluateur municipal doit maintenant détenir un permis, Maurice Tessier, Revue Municipalité, janvier 1972, p. 5.
- Critères de délivrance des permis d’évaluation pour les fins de la Loi sur l’évaluation foncière, Commission municipale du Québec, résolution 33383, séance du 1972-02-18.
- Examens pour les évaluateurs, Municipalité 72, septembre 1972, p. 8.
- La responsabilité professionnelle des évaluateurs agréés, Victor C. Goldbloom, Municipalité 76, janvier 1976, pp. 3-4.
- La Commission municipale du Québec et la réforme de l’évaluation foncière, Richard Beaulieu, Le Faisceau, Automne 1987, p. 11.
- Lettre au ministre des Affaires municipales, M. André Bourbeau, Claude A. Chevalier, Bulletin En Avant-propos, juin 1988.
- Évaluateur municipal et … agréé, Bulletin En Avant-propos, mars 1989, p. 5.
- Message du président – Information, promotion et sentiments d’appartenance, Jean-Guy Kirouac É.A., En Avant-propos, septembre 1989, p. 3.
- Mémoire de l’Ordre des évaluateurs agréés du Québec sur le projet d’amendements aux articles 22 à 29 de la LFM, 1996-10-28.
- Communiqué du MAM à l’intention des évaluateurs, Jean Monfet, 2000-02-24.
- La signature d’un rôle d’évaluation : un acte exclusif enfin reconnu aux évaluateurs agréés, Mots d’Ordre, mars 2000, pp. 3 à 5.
- Gazette officielle du Québec : 1972-03-11 G.O.2, 2319 ; 2000-02-02 G.O.2, 853, 856 ; 2001-02-14 G.O.2, 1307.
- Règlement sur les conditions et modalités de délivrance des permis de l’Ordre des évaluateurs agréés du Québec (art. 36, 2, par. 1° et art. 37, par. 1° et 2°), site web de l’OEAQ, février 2016.
- Règlement sur les normes d’équivalence de diplôme et de formation aux fins de la délivrance des permis de l’Ordre des évaluateurs agréés du Québec (art. 8, par. 1°), site web de l’OEAQ, février 2016.
- Loi sur la fiscalité municipale (RLRQ, c. F-2.1), articles 22 à 29 et 511, LégisQuébec (legisquebec.gouv.qc.ca), consulté le 2016-03-07.
[1] Seul le terme « estimateur » désigne alors les personnes légalement responsables de dresser les rôles d’évaluation foncière des municipalités. Il est remplacé par le terme « évaluateur », introduit à compter de 1972 par la Loi sur l’évaluation foncière.
[2] Instauré en 1871, le Code municipal de la Province de Québec stipule alors que « nul ne peut être estimateur, s’il ne possède, en son nom ou au nom de sa femme, comme propriétaire de biens-fonds de la valeur de quatre cents piastres au rôle en force » (C.M., art. 374).
[3] L’Institut des estimateurs municipaux du Québec est un organisme à mission éducative créé en 1962 par l’Association des estimateurs municipaux du Québec. Jusqu’en 1970, cet organisme diffuse, avec l’appui financier du ministère des Affaires municipales (MAM), un programme de formation spécialisée en évaluation municipale. Reposant sur des cours d’été répartis en 3 niveaux (élémentaire, intermédiaire et avancé) et se terminant par un examen écrit, ce programme conduit à l’obtention de la certification « M.I.E. » (Membre de l’Institut des Estimateurs).
[4] Les critères de délivrance des permis d’évaluateur pour les fins de la Loi sur l’évaluation foncière figurent à la résolution 33383, adoptée le 18 février 1972 par la Commission municipale du Québec. Ils font ensuite l’objet de l’arrêté en conseil numéro 507-72 du 22 février 1972 et sont publiés dans la Gazette officielle du Québec, le 11 mars 1972 (pp. 2319 à 2321).