4.22 Valeur réelle

Présentation et sommaire

La valeur réelle est un concept de référence quant aux conditions à considérer pour établir les évaluations foncières au Québec. Prescrit par la loi, ce concept doit être respecté tant par les évaluateurs qui dressent les rôles d’évaluation que par les tribunaux qui en révisent les inscriptions. Applicable à tous les immeubles portés au rôle d’une même municipalité, la valeur réelle est réputée être une base d’imposition équitable.

Implantée en 1796 à Québec et Montréal puis généralisée à tout le Bas-Canada, l’imposition foncière est d’abord répartie selon la valeur annuelle des biens-fonds (revenu annuel estimé) de chaque propriétaire. Par la suite, le concept de valeur actuelle est introduit législativement en 1847. Ce n’est toutefois qu’avec le Code municipal de 1871 que le concept de valeur réelle devient le seul prescrit pour encadrer l’établissement des évaluations servant à répartir les impôts fonciers au Québec. Graduellement généralisé dans diverses autres lois et abondamment documenté par la jurisprudence, le concept de valeur réelle n’est cependant défini législativement qu’à compter de 1980, avec l’entrée en vigueur de la Loi sur la fiscalité municipale.

 

La valeur réelle[1] est un concept de référence propre à l’estimation des valeurs immobilières à des fins d’imposition foncière. Bien qu’elle corresponde à la notion générale de « valeur marchande » pour la majorité des immeubles évalués, la « valeur réelle », prescrite et définie par la Loi sur la fiscalité municipale (LFM), circonscrit les conditions à considérer dans toutes les situations, notamment quant aux immeubles peu susceptibles d’être vendus (pénitenciers, hôpitaux, usines, etc.). Estimée à une même date pour tous les immeubles portés au rôle d’évaluation d’une même municipalité, la valeur réelle est réputée être une base d’imposition équitable pour y répartir les impôts fonciers. À cet égard, elle sert aussi de référence aux tribunaux appelés à se pencher sur l’exactitude des inscriptions à un tel rôle.

Concepts de référence antérieurs à celui de valeur réelle : valeur annuelle et valeur actuelle

Sous le Régime français, l’organisation territoriale et sociale en Nouvelle-France repose sur le régime seigneurial. Le développement de chaque seigneurie est fondé sur l’accès aux voies navigables, sous la gouverne d’un seigneur qui y assure l’entretien des routes et des ponts, ainsi que le maintien de l’ordre. Après l’instauration du Régime britannique, l’organisation seigneuriale demeure en application jusqu’à l’implantation d’un nouveau régime foncier, amorcée en 1791. La propriété des terres est alors graduellement remise aux colons et d’importants travaux de corvée leur sont imposés pour améliorer ou construire des voies terrestres praticables et interconnectées, favorisant ainsi la colonisation du territoire inaccessible par voie navigable. À cette fin, une loi sur les chemins et les ponts[2] est adoptée en 1796. 

Cette loi contient une disposition spécifique aux cités de Québec et de Montréal permettant aux autorités locales d’imposer, en cas d’insuffisance des corvées, une cotisation aux propriétaires fonciers, répartie sur la base de la valeur de leurs biens-fonds. Le concept de référence alors prescrit aux « cotiseurs » (officiers chargés d’estimer les valeurs et d’établir le montant de cotisation à verser par chaque occupant du bien-fonds concerné) est celui de « valeur annuelle[3] ». Celle-ci doit être estimée chaque année, pour toutes les terres, emplacements, maisons et bâtiments assujettis à la cotisation. 

Pendant plusieurs années ensuite, cette disposition – particulière à ces 2 villes mais incluse dans une loi générale – continue d’être appliquée. Elle est même transposée, en 1832, dans les lois d’incorporation des cités de Québec et de Montréal.

À partir de 1840, diverses interventions législatives visent à créer, partout au Bas-Canada, des instances locales et régionales dotées d’un pouvoir de taxation sur la valeur des biens fonciers. Bien que mal reçues par les citoyens et restées peu appliquées, ces législations universalisent toutefois d’importantes notions d’évaluation foncière. Ainsi :

 

  • une ordonnance[4] édictée en 1840 prescrit l’estimation, chaque année, de la valeur annuelle des propriétés par des cotiseurs élus dans chaque corporation locale;
  • en 1847, une autre loi[5] remplace la précédente et introduit la notion de « valeur actuelle » des propriétés, estimée à tous les 5 ans par des estimateurs nommés par le conseil municipal. Elle maintient toutefois l’imposition foncière sur la base de la « valeur annuelle », fixée à six pour cent de la valeur actuelle estimée (art. XXVI).

Après ces tentatives peu fructueuses, ce n’est finalement qu’en 1855 que l’Acte des municipalités et des chemins du Bas-Canada[6] établit et généralise les bases durables du régime municipal québécois, y compris celles concernant les pratiques d’évaluation foncière. Entre autres, cette loi :

 

  • élimine la notion de valeur annuelle des biens-fonds et remplace celle de valeur actuelle par le seul terme « valeur », laquelle est refaite aux 5 ans (art. LXV, par. 1);
  • instaure l’estimation de la valeur annuelle de certaines professions (juge, fonctionnaire civil, avocat, notaire, médecin, etc.) et occupations (marchand, fabricant, maître ouvrier, etc.), établie d’après les profits annuels moyens de deux années (art. LXX, par. 1 et 2). 

Instauration et application du concept de valeur réelle

Entré en vigueur en 1871, le Code municipal de la Province de Québec, (CM) reconduit globalement le fonctionnement municipal en place depuis 1855, mais avec un niveau de détail plus élaboré. Cette loi instaure le concept de valeur réelle des biens-fonds, lequel est ensuite repris dans la Loi des cités et villes (LCV), adoptée en 1876 pour tenir compte de la gestion des municipalités plus populeuses. Sous réserve des dispositions distinctes contenues aux chartes[7] des cités de Québec et Montréal, ces deux lois exigent notamment que :

  • les biens-fonds imposables inscrits au rôle soient évalués suivant leur valeur réelle;
  • le rôle d’évaluation mentionne distinctement leur valeur annuelle.

Ces lois ne définissent pas le concept de valeur réelle, mais elles en circonscrivent l’application sur divers aspects. On y précise notamment que :

  • la valeur réelle des biens fonds imposables comprend la valeur du terrain, celle des constructions, ainsi que celle de toutes les améliorations qui y ont été faites (CM art. 656);
  • celle du terrain occupé par les entreprises de chemin de fer doit être établie en se basant sur la valeur moyenne des terrains avoisinants (CM art. 657; LCV art. 327).
  • celle des terrains employés pour des fins agricoles dans une ville ou un village ne doit tenir compte que des fins agricoles seulement, sauf la partie aboutissant aux rues et aux chemins (CM art. 655);
  • celle des lignes de transmission d’énergie électrique et leurs accessoires est établie à un montant fixe par poteau ou pylône utilisé à cette fin, modulé selon ses caractéristiques (art. 656c et 656d).

Pendant environ un siècle, ces dispositions sont appliquées individuellement par chaque municipalité et, bien que souvent modifiées, elles ne définissent pas davantage le concept de valeur réelle. Les modalités d’application de ce concept demeurent très peu documentées, sinon par l’abondante jurisprudence accumulée à la suite de divers litiges tranchés par les tribunaux au fil des ans[8].

En 1956, la Commission Tremblay signale que de graves lacunes caractérisent les pratiques québécoises d’évaluation foncière municipale. Elle conclut plus particulièrement que, malgré que la notion de valeur réelle prescrite par la loi soit bien comprise, les évaluations inscrites aux rôles ne la respectent pas et n’en représentent que de trop faibles pourcentages, ce qui relève davantage de l’incompréhension ou de la négligence des intervenants concernés. En 1965, le même constat est établi par la Commission Bélanger qui démontre que le niveau de la plupart des rôles d’évaluation s’écarte largement de la pleine valeur réelle des immeubles qui y sont inscrits, ce qui contrevient à la loi[9]. Elle recommande de maintenir le concept de valeur réelle comme base d’évaluation municipale et d’exiger qu’elle soit faite à 100% de cette valeur.

Outre le fait que ces pratiques inadéquates entraînent des iniquités fiscales au niveau local, ces deux commissions soulèvent que cette situation affaiblit le pouvoir d’emprunt des municipalités, leur richesse foncière étant impossible à déterminer adéquatement. Dans le contexte où l’urbanisation rapide et la croissance des responsabilités municipales amènent les municipalités à réclamer des revenus additionnels, la nécessité de procéder à une réforme de la fiscalité municipale au Québec devient alors évidente et urgente[10].

 

La Loi sur l’évaluation foncière et le concept (temporaire) de « valeur marchande »

Devant la nécessité de réformer la fiscalité municipale, il s’avère que l’hétérogénéité et la fiabilité discutable des méthodes alors utilisées rendent ce projet irréalisable sans réformer d’abord l’évaluation foncière. Aussi, le gouvernement du Québec retient d’assujettir toutes les municipalités aux mêmes règles d’établissement des évaluations, de façon à obtenir des résultats comparables partout.

Au terme de laborieux échanges, notamment devant la Commission permanente des affaires municipales, où divers points de vue – parfois opposés – sont présentés et débattus, la Loi sur l’évaluation foncière (LEF) est adoptée le 23 décembre 1971 (L.Q. 1971, chap. 50). À compter de 1972, cette loi rassemble et adapte les dispositions relatives à l’évaluation foncière, antérieurement contenues dans diverses législations. Elle universalise également plusieurs exigences nouvelles visant à réformer les pratiques d’évaluation foncière (manuel unique, rôles quinquennaux, permis d’évaluateur, etc.).

 

La LEF innove également en matière de concepts de valeur par :

  • la prescription du concept de « valeur marchande » (au lieu de celui de valeur réelle) comme base des évaluations devant être inscrites aux rôles, ainsi que l’énoncé d’une définition spécifique[11] de ce concept, jusqu’alors inédit dans la législation (L.Q. 1971, chap. 50, art. 1q et 8);
  • l’introduction du concept de « valeur locative» (au lieu de celui de valeur annuelle), désormais répertoriée dans un rôle distinct du rôle foncier et facultatif pour toute municipalité, aux fins de l’imposition des taxes d’affaires (L.Q. 1971, chap. 50, art. 28 à 32).

En juillet 1973 toutefois, le concept de valeur réelle, présent dans les lois municipales depuis 1871, est réintroduit dans la législation sans y être davantage défini (L.Q. 1973, chap. 31, art. 1f, 3 et 4). Par souci d’éviter des divergences jurisprudentielles indésirables, il est alors retenu d’écarter le concept de valeur marchande ainsi que sa définition, à tout le moins jusqu’à ce qu’un manuel spécialisé tienne lieu de référence à ce sujet.

À partir de 1977, les ordonnances ministérielles et la réglementation instaurent une réforme administrative de l’évaluation foncière. L’usage du Manuel d’évaluation foncière du Québec (MEFQ) et de fiches techniques universelles devient alors obligatoire[12] aux fins de la confection des rôles d’évaluation de nouvelle génération. Bien que plusieurs questionnements soient soulevés quant à l’application du concept de valeur réelle dans ce nouveau cadre, aucun texte officiel n’en définit précisément les contours. Seule la jurisprudence continue de fournir et d’accumuler des points de repère.

 

La Loi sur la fiscalité municipale et la consolidation du concept de valeur réelle

Entrée en vigueur le 1er janvier 1980, la Loi sur la fiscalité municipale (LFM) (L.Q. 1979, c. 72) met en œuvre une réforme financière et fiscale sans précédent pour les municipalités du Québec, concrétisant ainsi des changements réclamés depuis longtemps (autonomie financière locale, libération du champ foncier, élargissement de l’assiette d’imposition, etc.). De surcroît, la LFM intègre en une même loi les dispositions propres à cette réforme fiscale et celles régissant déjà l’évaluation foncière. Refondues et reformulées dans cette nouvelle loi, les dispositions de la LEF à ce sujet ne sont pas remises en cause, ni l’essentiel des pratiques d’évaluation foncière déjà édictées par la réforme administrative amorcée depuis 1977.

La LFM instaure quand même, à compter de 1980, de nouvelles dispositions très significatives quant à l’évolution des travaux d’évaluation foncière au Québec, dont celles visant à consolider le concept de valeur réelle comme référence déterminante en cette matière. Cette consolidation consiste en trois apports majeurs de cette loi qui :

 

  • définit officiellement le concept de valeur réelle, pour la première fois dans un texte de loi (LFM art. 43 à 45). Répartie en trois articles référant aux méthodes reconnues, la nouvelle définition consacre les principes doctrinaux déjà avalisés par les tribunaux, protégeant ainsi la validité de la jurisprudence antérieure;
  • oblige d’évaluer toutes les propriétés au même niveau par rapport à la valeur réelle (LFM art. 42). Cette disposition innove, à la fois en énonçant la notion de « proportion de la valeur » et en exigeant l’équité horizontale entre les évaluations d’un même rôle;
  • impose une mesure annuelle du niveau de chaque rôle d’évaluation par rapport à la valeur réelle des immeubles évalués (LFM art. 264). Régie par une réglementation spécifique, la proportion médiane devient alors essentielle à plusieurs mesures fiscales instaurées par la LFM (taux global de taxation, péréquation, en-lieux de taxes, etc.). Bien que sans effet sur les inscriptions aux rôles, elle officialise une mesure objective de leur état.

L’effervescence marquée du marché immobilier des années 1985 à 1987, inévitablement traduite dans les valeurs inscrites aux rôles d’évaluation alors déposés, provoque des hausses brusques de taxation foncière, surtout dans la région métropolitaine de Montréal. L’imposition foncière basée sur la valeur réelle des biens-fonds est alors sévèrement critiquée par divers groupes de contribuables et même remise en cause par plusieurs élus municipaux.

Afin de favoriser une stabilisation du régime fiscal municipal tout en maintenant la valeur réelle des immeubles comme base d’imposition, deux mesures législatives sont implantées à compter de 1989 :

  • la prescription du régime des rôles triennaux (plutôt qu’annuels) exige que tous les rôles d’évaluation soient dressés tous les trois ans et demeurent valides pour trois exercices financiers consécutifs (LFM art. 14). Les municipalités peuvent alors choisir, au plus tard pour 1992, la première année de leur rôle triennal;
  • l’exigence d’équilibration des rôles aux trois ou six ans selon la taille des municipalités (LFM art. 46.1) impose la périodicité selon laquelle les valeurs au rôle doivent être modifiées pour en réduire les écarts par rapport à la valeur réelle des immeubles évalués. Dès 1990, son application est appuyée par des prescriptions réglementaires régissant les résultats à atteindre[13].

Durant de nombreuses années ensuite, ces mesures ont un effet positif durable sur la qualité des rôles d’évaluation foncière. Déposés à la pleine valeur réelle depuis 1992, ces rôles conservent un niveau qui reste acceptable tout au long de leur durée et la dispersion des valeurs par rapport à la valeur réelle affiche une nette régression[14].

D’autres interventions législatives contribuent ensuite à préciser les conditions à considérer pour établir la valeur réelle des immeubles portés aux rôles, contribuant ainsi à résoudre d’importantes divergences méthodologiques et jurisprudentielles. Les deux mesures les plus significatives sont :

  • l’inclusion de l’ensemble des droits dans l’établissement de la valeur réelle, instaurée en 1992. En stipulant que tous les droits du locataire doivent être réputés détenus par le propriétaire (art. 45.1), cette disposition exige la considération du « faisceau des droits » plutôt que la situation contractuelle des immeubles évalués;
  • la distinction entre la date de prise en compte des conditions du marché et celle de l’état de l’unité d’évaluation. À compter de 1994, la LFM décrit désormais ce que constitue cet état et stipule à quelle date il doit être pris en compte lorsqu’un événement modificateur survient après la date de considération des conditions du marché (LFM art. 46, al. 2 et 3).

Sommaire des concepts de référence officiels utilisés pour établir les valeurs aux fins de taxation 

Période Concept de valeur Sert de base pour Références législatives*

1796-1855

1855-1871

1871-1971

Valeur annuelle

Taxation des propriétaires de biens-fonds

Taxation des revenus de profession /occupation

Taxation des occupants de biens-fonds

Acte de 1796 (art. LVII)

Acte de 1855 (art. LXX)

CM (art. 654-4)

LCV (art. 485-3)

1847-1855 Valeur actuelle Établir la valeur annuelle, fixée à 6% Acte de 1847 (art. XXVI)
1889-1948 Valeur vénale Taxation des propriétaires de biens-fonds Charte de la Cité de Québec (art. 192 et 193)
1871-1971 Valeur réelle

Taxation des propriétaires de biens-fonds

 

CM (art. 650 et 654-3)

LCV (art.485-1)

1972-1973 Valeur marchande Taxation des propriétaires de biens-fonds LEF (art. 1q et 8)
depuis 1972 Valeur locative Taxation des occupants de locaux distincts / lieux d’affaires / établissements d’entreprise (dénomination variable selon les époques))

LEF (art. 28 à 32)

LFM (art. 69.1 à 69.8)

depuis 1973 Valeur réelle Taxation des propriétaires de biens-fonds

LEF (art. 8)

LFM (art. 42 à 46.1)

* Référence aux principales lois prescrivant le concept concerné, avec la disposition la plus récente de la période visée

 

Sources de référence utilisées aux fins de la présente capsule

  • Acte de 1796 sur les chemins et les ponts (36 Geo. III, c. 9), sanctionné le 1796-05-07, https://books.google.ca.
  • Ordonnance de 1840 établissant des autorités locales et municipales (1840 4 Vict., c. 4), sanctionnée le 1840-12-29, https://books.google.ca.
  • Acte de 1845 pour abroger certaines ordonnances (8 Vict., c. 40), sanctionné le 1845-03-29, https://books.google.ca.
  • Acte de 1847 pour l’établissement d’autorités municipales (10-11 Vict., c. 7), sanctionné le 1847-07-28, https://books.google.ca.
  • Acte des municipalités et des chemins de 1855 (18 Vict., c. 100), sanctionné le 1855-05-30, https://books.google.ca.
  • Code municipal de la Province de Québec, (34 Vict. c. 68), sanctionné le 1870-12-24, https://books.google.ca.
  • Acte des clauses générales des corporations de ville (40 Vict., c. 29), sanctionné le 1876-12-28,
  • Charte de la Cité de Montréal (62 Vict., chap. 58) avec amendements au 1941-04-29, article 375.
  • Rapport de la Commission royale d’enquête sur les problèmes constitutionnels (Commission Tremblay), Volume III, Tome II, février 1956, pp. 190 à 196.
  • Charte de la cité de Québec (19 Geo. V, chap. 95) avec amendements au 1960-03-10, Éditeur officiel du Québec, pp. 80-81.
  • Loi revisant et refondant la charte de la cité de Montréal (8-9 Eliz. II, chap. 102), sanctionnée le 1960-03-10, Éditeur officiel du Québec, pp. 291-292.
  • L’évaluation foncière pour fins municipales dans la Province de Québec – Étude préparée pour la Commission royale d’enquête sur la fiscalité, Association des estimateurs municipaux du Québec, septembre 1964, pp. 24-25 et 103 à 113.
  • Rapport de la Commission royale d’enquête sur la fiscalité (Commission Bélanger), Gouvernement du Québec, décembre 1965, pp. 291-292 et 295.
  • Journal des débats, Commission permanente des Affaires municipales, Séance du 1971-12-14, Site web de l’Assemblée nationale (www.assnat.qc.ca).
  • Loi sur l’évaluation foncière (L.Q. 1971, chapitre 50), sanctionnée le 1971-12-23, Site web de l’Assemblée nationale (www.assnat.qc.ca).
  • Journal des débats, Commission permanente des Affaires municipales, Séance du 1973-07-06, Site web de l’Assemblée nationale (www.assnat.qc.ca).
  • Loi modifiant la Loi sur l’évaluation foncière (L.Q. 1973, c. 31), sanctionnée le 1973-07-06, Site web de l’Assemblée nationale (www.assnat.qc.ca).
  • Commentaires sur la valeur réelle et la valeur marchande, Louis-Marie Gagné É.A., Le Faisceau, juin 1975, pp. 5 et 7.
  • La valeur réelle, c’est quoi?, Claude Delorme É.A., Le Faisceau, juin 1976, pp. 8 à 11.
  • Un outil à remplacer?, Alain Raby É.A., Revue Municipalité, mars 1994, pp. 4 à 9.
  • L’évaluation municipale et la valeur réelle, Jacques Forgues, Les Éditions Yvon Blais, 1995, 349 pages.
  • La fiscalité locale au Québec : de la cohabitation au refuge fiscal – Revue de droit de McGill, Vol. 46-3, Marie-Claude Prémont, 2001, p. 752, <http://www.canlii.org/t/2pfp>, consulté le 2020-01-20.
  • Le concept de valeur en évaluation municipale, Ernest Lépine É.A. et Me Luc Villiard, Ordre des évaluateurs agréés du Québec, En Annexe, novembre 2005, 89 pages.
  • L’avènement du régime municipal dans le Bas-Canada et dans le comté de Deux-Montagnes, 1840-1855, Jean-Paul Ladouceur, Histoire Québec, vol. 11, n° 3, 2006, p. 10-19, http://id.erudit.org/iderudit/11115ac.
  • Le rôle d’évaluation municipale – Édition modernisée, Normand Godbout, É.A., août 2015, pp. 28-29.
  • Loi sur la fiscalité municipale (RLRQ, c. F-2.1), à jour au 2019-12-01, LégisQuébec (www.legisquebec.gouv.qc.ca), consulté le 2020-01-22.

[1] Dans le concept de valeur réelle utilisé en évaluation municipale, le mot « réelle » ne prend pas le sens de « vraie, véridique, etc. ». Tirant son origine du terme latin « res », il a plutôt le sens de « concrète, tangible, palpable, etc. ».

[2] Adopté le 7 mai 1796, l’ « Acte pour faire, réparer et changer les chemins et ponts dans cette Province, et pour d’autres effets » (36 Geo. III, c. 9) est une loi qui organise les travaux de voirie sur tout le territoire du Bas-Canada. Elle confie la direction des travaux à des responsables régionaux, secondés par un inspecteur dans chaque paroisse, seigneurie ou canton. Ceux-ci peuvent notamment imposer des jours de corvée aux citoyens masculins de 18 à 60 ans.

[3] Vraisemblablement issue des pratiques remontant au régime seigneurial français, la notion de « valeur annuelle » désigne l’estimé du montant que peut tirer annuellement l’occupant du bien-fonds concerné, ce qui peut s’avérer différent du revenu réellement encaissé. Le montant ainsi estimé est davantage un indice permettant des comparaisons qu’une véritable indication de la valeur sur le marché.

[4] Ordonnance qui pourvoit au meilleur Gouvernement de cette Province, en établissant des autorités locales et municipales en icelle (1840 4 Vict., c. 4). Constitue 300 corporations municipales locales aux pouvoirs limités (clôtures, bétail, etc.) et 24 districts régionaux, dotés de plus de pouvoirs que les corporations locales.

[5] Acte pour faire de meilleures dispositions pour l’établissement d’autorités municipales dans le Bas-Canada (1847 10-11 Vict., c. 7). Maintient les municipalités de ville (4) et de village (16) mais abolit les 337 autres municipalités et en transfère les pouvoirs et responsabilités à 46 nouvelles corporations de comté.

[6] Entré en vigueur le 1er juillet 1855, l’Acte des municipalités et des chemins du Bas-Canada (18 Vict. c. 100), accorde le statut juridique de corporation municipale à quelque 400 paroisses et cantons; leurs pouvoirs sont plus étendus qu’auparavant et comprennent ceux d’emprunter et de prélever des taxes.

[7] Entrées en vigueur en 1832, les chartes des cités de Québec et Montréal prescrivent alors l’imposition des biens-fonds selon leur valeur annuelle. L’évolution des concepts de valeur régissant les inscriptions aux rôles est ensuite distincte :

  • à Montréal, la « valeur actuelle » des biens-fonds s’ajoute à celle de valeur annuelle, aussi appelée loyer bona fide (1899 62 Vict. c. 58, a. 375). Elle y est remplacée définitivement par le concept de valeur réelle en 1937 (1 Geo. VI, c. 103);
  • à Québec, la « valeur vénale » s’ajoute à celle de valeur annuelle, appelée valeur locative ou loyer bona fide (1889 53 Vict. c. 68 a 192). Elle y est remplacée définitivement par le concept de valeur réelle en 1948 (12 Geo. VI c. 51 a. 200).

[8] La jurisprudence la plus récapitulative est la décision du Conseil Privé dans la cause Sun Life vs City of Montréal, rendue le 5 novembre 1951, en appel d’un arrêt de la Cour suprême du Canada de 1950 ayant avancé que les concepts de valeur réelle et de valeur marchande étaient synonymes et interchangeables. Le Conseil Privé statue alors que :

  • de façon générale, la valeur réelle correspond au « prix qu’un vendeur qui n’est pas obligé de vendre et qui n’est pas dépossédé malgré lui mais qui désire vendre, réussira à avoir d’un acheteur qui n’est pas obligé d’acheter, mais qui désire acheter », soit une formulation déjà reconnue par la jurisprudence antérieure (concept du willing buyer et willing seller);
  • quant aux immeubles en absence de marché, la valeur réelle doit être établie en considérant le propriétaire comme un des acheteurs possibles, soit en estimant ce qu’il serait prêt à dépenser pour remplacer l’immeuble à évaluer, mais sans y être obligé.

[9] Cette conclusion s’appuie sur le rapport d’étude intitulé « L’évaluation foncière pour fins municipales dans la province de Québec », présentée à la Commission Bélanger en septembre 1964, par l’Association des estimateurs municipaux du Québec. On y indique notamment qu’en général, les rôles d’évaluation d’alors sont de piètre qualité et que, pour la majorité des municipalités, leur niveau est inférieur à 50% de la valeur réelle, ce qui témoigne d’une ignorance des prescriptions de la loi. Le texte intégral de ce rapport d’étude fait l’objet de la capsule 5.3.

[10] Au début des années 1970, l’urgence de réformer la fiscalité municipale est accentuée par l’imminence de développements hydroélectriques majeurs (ex. : Baie James), lesquels requièrent d’accroître les emprunts provinciaux. Redresser les rôles d’évaluation municipaux à la pleine valeur réelle vise alors à améliorer la cote de crédit des municipalités, libérant ainsi le gouvernement d’endosser leurs emprunts et lui procurant une nouvelle marge de manœuvre sur les marchés de crédit.

[11] À compter du 1er janvier 1972, l’article 1q de la LEF définit la valeur marchande comme étant « le prix le plus probable, compte tenu des données du marché immobilier au moment de l’évaluation, d’une vente librement consentie de part et d’autre, avec une connaissance convenable de la valeur physique dépréciée de l’immeuble et de sa valeur économique actuelle et potentielle; ce prix pouvant, au cas d’absence ou d’insuffisance du marché ou de ses données, être établi uniquement selon la valeur physique dépréciée ou selon la valeur économique actuelle et potentielle, ou selon l’une et l’autre »

[12] Le Règlement numéro 1, édicté en 1977, impose l’usage de l’édition 1976 du MEFQ et des formulaires qui y sont décrits, aux fins de l’établissement de la valeur réelle des immeubles (art. 14).

[13] Pour les rôles résultant d’une équilibration et entrant en vigueur à compter de 1990, le RREF prescrit des résultats à atteindre quant au niveau du rôle, à l’écart-type relatif à la médiane et à l’évaluation des propriétés vendues. En cas non respect de ces prescriptions, des sanctions monétaires sont prévues au « Règlement sur la retenue de sommes payables par le gouvernement en cas de contravention à certaines dispositions de la Loi sur la fiscalité municipale ». Ce dernier est toutefois abrogé en 1995.

[14] Les statistiques disponibles sur la qualité des rôles indiquent que, pour la période 1989-1990-1991, seulement 51% des rôles représentent la pleine valeur réelle des immeubles et environ 27% présentent alors des dispersions préoccupantes. Pour la période 2016-2017-2018, ces données s’établissent à 87% et 3%, respectivement.