4.19 Tenue à jour du rôle d’évaluation

Présentation et sommaire

La tenue à jour du rôle d’évaluation désigne les opérations effectuées pour modifier celui-ci après son dépôt, malgré que ce dépôt lui confère un caractère officiel et immuable durant trois ans. La loi requiert en effet que son contenu soit modifié en continu pour maintenir l’actualité légale (noms, adresses, etc.) et physique (constructions, démolitions, etc.) des données qui s’y trouvent.

Sous le Régime britannique, le dépôt annuel de rôles d’évaluation servant à l’imposition foncière implique peu de modifications ultérieures, sinon directement par les autorités locales disposant des plaintes. Même sous le Code municipal et la Loi des cités et villes, cette situation évolue très peu et, jusqu’en 1961, les estimateurs ne sont pas associés au processus de modification des rôles. Par ailleurs, les cités de Québec et Montréal disposent de règles distinctes et plus élaborées en cette matière.

À compter de 1972, les lois standardisent et encadrent plus formellement la tenue à jour des rôles. Les circonstances exigeant des modifications y sont précisément énumérées et la responsabilité de leur exécution est confiée à l’évaluateur, requis de signer un certificat dans chaque cas. Au cours des années 1990, la jurisprudence, la périodicité triennale des dépôts et l’instauration de divers régimes fiscaux formalisent davantage les exigences concernées. Enfin, la modernisation réglementaire de 2010 assujettit le certificat de tenue à jour à des règles universelles de forme numérique et de transmission électronique.

Raison d’être de la tenue à jour du rôle d’évaluation

Le rôle d’évaluation foncière est un registre officiel constituant un inventaire des immeubles situés sur le territoire d’une municipalité, évalués sur une même base et à une même date. Il sert notamment à répartir la charge fiscale locale, principalement constituée de taxes foncières sur la valeur réelle des biens-fonds.

Dressé et déposé à tous les trois ans, chaque rôle d’évaluation est ainsi actualisé, selon cette périodicité, quant aux conditions du marché et son contenu reste fixe durant l’intervalle. Toutefois, la loi prévoit diverses situations où un rôle déposé doit être modifié, afin que cet inventaire maintienne :

  • son actualité légale, selon les changements aux titres de propriétés, opérations cadastrales, etc.;
  • son actualité physique, en raison de nouvelles constructions, rénovations, destructions, etc.;
  • son équité fiscale, selon les variations de valeur découlant de tels événements.

Les activités de tenue à jour du rôle sont régies par des dispositions spécifiques de la Loi sur la fiscalité municipale (LFM) et du Règlement sur le rôle d’évaluation foncière (RREF). Elles concernent non seulement la modification des inscriptions au rôle d’évaluation lui-même, mais aussi l’actualisation afférente des quatre fichiers permanents qui en sont à la base : fichier des mutations immobilières, dossiers de propriété, système d’information géographique et fichier des unités de voisinage.

La tenue à jour des rôles d’évaluation avant les réformes des années 1970

La confection des premiers rôles d’évaluation au Bas-Canada remonte à 1796, sous le Régime britannique. Dressés annuellement, ces rôles servent alors à imposer une cotisation aux citoyens des cités de Québec et Montréal, pour contribuer à y financer les travaux de voirie. Appelés « cotiseurs », les officiers chargés de cette tâche sont nommés tous les ans et leur mandat se limite à produire, dans les deux mois de leur entrée en fonction, les estimations de valeur et les cotisations afférentes. Seuls les juges de paix (autorités locales de cette époque) sont ensuite habilités à modifier le rôle, notamment lorsqu’ils disposent des plaintes.

À compter de 1855, l’exigence de dresser un rôle d’évaluation est étendue à toutes les municipalités, pour servir de base à la taxation générale, instaurant ainsi le régime fiscal municipal québécois. L’estimation de la valeur des biens-fonds est alors établie à tous les cinq ans, par des officiers appelés « estimateurs » et dont l’unique tâche est de dresser le rôle d’évaluation dans les deux mois de leur nomination. Par ailleurs, dans le cadre du processus de révision préalable à l’entrée en vigueur du rôle[1] :

  • le conseil municipal peut, dans les 30 jours du dépôt, amender ledit rôle d’évaluation en fixant lui-même la valeur d’un ou plusieurs biens-fonds dont il est d’opinion que l’évaluation s’écarte de leur vraie valeur;
  • le secrétaire-trésorier doit transcrire les amendements retenus sur le rôle d’évaluation ou sur un papier y annexé. Il doit certifier ces amendements ainsi que la date à laquelle ils prennent effet.

À la suite de l’instauration des compétences provinciales par la Confédération canadienne, les règles régissant l’évaluation municipale sont transposées dans le Code municipal (CM) et dans la Loi des cités et villes (LCV), entrés en vigueur en 1871 et 1876, respectivement. Ces deux lois fixent à trois ans la durée du rôle d’évaluation et comportent des dispositions plus précises régissant sa modification après son dépôt.

Outre la révision des valeurs prévue dans le cadre de l’homologation du rôle, le Code municipal exige notamment du conseil municipal[2] qu’il amende le rôle, même en l’absence de plainte ou de demande à cet effet, notamment pour :

  • faire l’évaluation et inscrire tous les biens imposables dont l’entrée a été omise et retrancher tous ceux y mentionnés par erreur (CM, art. 663);
  • corriger les noms des personnes qui y sont inscrites ou la désignation des terrains qui y sont mentionnés (CM, art. 663);
  • réduire l’estimation de valeur, sur requête du propriétaire, de la propriété qui subit une diminution de valeur considérable, soit par incendie, démolition, accident ou toute autre cause (CM, art. 671);
  • corriger le rôle pour tenir compte, sur preuve suffisante, des mutations de propriété et des changements de locataires ou d’occupants devant y être inscrits (CM, art. 673).

Initialement issue du Code municipal, la LCV prévoit sensiblement les mêmes règles quant à la modification du rôle d’évaluation, postérieurement à son dépôt. Ces dispositions se distinguent toutefois quant à :

  • la réévaluation de propriétés dont la valeur est augmentée par le fait de nouvelles constructions, additions ou améliorations, ou de subdivisions en lots à bâtir de terres en culture (LCV, art. 500);
  • l’ajout rétroactif d’immeubles omis, à condition de respecter la base d’évaluation de l’année visée (LCV, art. 486);
  • l’établissement d’estimations nouvelles ou révisées, confiée aux estimateurs (et non plus au conseil municipal) ou à un bureau de révision local[3] (LCV, art. 499 et 500).

Refondu à quelques reprises, l’essentiel de ces dispositions évolue toutefois très peu en 100 ans d’application, soit jusqu’à leur remplacement par la Loi sur l’évaluation foncière, en 1972.

Selon les exigences législatives, les besoins locaux et les moyens disponibles, les municipalités développent des formulaires de rôle d’évaluation qui leur sont propres. Ceux-ci prennent généralement la forme d’un grand livre comptable à plusieurs colonnes, dressé et tenu à jour de façon manuscrite. Les données y sont ordonnancées selon un « numéro de compte », souvent structuré en ordre d’adresse civique pour en faciliter le repérage.

Règles particulières aux cités de Québec et de Montréal

Applicable à toutes les municipalités de ville d’alors, la LCV de 1876 ne s’applique toutefois pas aux villes de Québec et de Montréal, incorporées en 1840, alors que les législatures provinciales n’existent pas encore. Ces deux villes disposent chacune d’une charte qui leur confère des pouvoirs et des responsabilités distincts de ceux des autres villes québécoises.

Refondue en 1865 et en 1929, la charte de la ville de Québec (CVQ) est ensuite souvent amendée pour s’adapter aux réalités qui lui sont propres. Il en est de même pour celle de la ville de Montréal (CVM), refondue à six reprises entre 1845 et 1960. Ainsi, bien qu’elles s’apparentent à celles du Code municipal et de la LCV, les dispositions de ces deux chartes quant aux pratiques d’évaluation foncière comportent des règles d’application plus élaborées, entre autres quant au processus de tenue à jour des rôles d’évaluation.

En date de 1960, ces dispositions se distinguent significativement par des mesures communes à ces deux villes, notamment quant à :

  • l’existence d’un service permanent d’estimation[4], dirigé par un chef de service (CVQ art. 194, par. 2° / CVM art. 162);
  • l’exécution par le service des estimations (au lieu du conseil ou du greffier) des réévaluations, changements et corrections à apporter au rôle pendant qu’il est en vigueur, à la suite de transferts de propriété, subdivisions, constructions, destructions, etc. (CVQ art. 200, al. 4-5-6 et 201a, al. 2-3 / CVM art. 818, al. 1-2 et 825, al. 3);
  • l’existence d’un bureau de révision[5] des estimations chargé non seulement de disposer des plaintes (au lieu du conseil municipal), mais aussi doté du pouvoir de déterminer la façon de procéder des estimateurs (formules, documents, manuels, etc.), ainsi que de refaire ou d’autoriser toute estimation refaite après le dépôt du rôle (CVQ, art. 201a et 214, al. 12-13 / CVM, art. 858);
  • la possibilité pour le service des estimations de soumettre toute évaluation à l’examen du bureau de révision pour en obtenir une décision, même en l’absence de plainte (CVQ art. 214, al. 20 / CVM art. 864);
  • l’exigence que les décisions du bureau de révision soient transmises au service des estimations au moyen d’un « certificat d’estimation » signé par le président et motivant sommairement toute valeur refaite ou modifiée (CVQ art. 214, al. 19 et 21 / CVM art. 872).

De façon plus particulière, la Charte de la ville de Québec prévoit notamment, en 1960, que les estimateurs :

  • doivent prendre pour base de leur évaluation la valeur réelle de chaque immeuble au moment de l’estimation (art. 212, al. 1);
  • peuvent adresser une requête à la cour pour corriger des erreurs ou omissions pour l’année courante et ce, pour jusqu’à concurrence de quatre années précédentes (art. 225 et 227).

À la même époque, la charte de la ville de Montréal contient d’autres particularités, spécifiant entre autres que :

  • à chacune des deux années suivant le dépôt du rôle, un rôle supplémentaire doit être dressé puis tenu à jour pour les immeubles ayant changé de propriétaire, ainsi que pour ceux visés par des changements résultant de subdivisions, constructions, destructions, etc. (art. 820 et 827, al. 1);
  • les changements au rôle découlant de subdivisions, construction, destruction ou modifications aux bâtiments peuvent s’appliquer à l’exercice financier précédent (art. 827, al. 3), alors que ceux découlant d’une omission totale ou partielle peuvent rétroagir jusqu’à trois exercices précédents (art. 829, al. 3);
  • les normes de valeur adoptées pour dresser le rôle doivent servir par la suite jusqu’au dépôt d’un nouveau rôle, pour toute entrée à ce rôle et pour les rôles supplémentaires (art. 168). La valeur d’un immeuble omis du rôle doit être basée sur les normes appliquées au temps où l’estimation aurait dû être faite (art. 829, al. 5);

Standardisation de la tenue à jour des rôles d’évaluation par la Loi sur l’évaluation foncière (LEF)

Devant la nécessité de réformer la fiscalité municipale au Québec, il s’avère essentiel de réformer d’abord l’évaluation foncière. Pour assujettir toutes les municipalités aux mêmes règles d’établissement des évaluations, la LEF rassemble et adapte, à compter de 1972, les dispositions relatives à l’évaluation foncière, antérieurement contenues dans diverses législations. Elle universalise également plusieurs exigences nouvelles visant à réformer les pratiques d’évaluation foncière : regroupement des autorités compétentes, rôles quinquennaux, permis d’évaluateur, pouvoir ministériel de réglementation, etc.

Entre autres, cette loi instaure et impose la fonction d’ « évaluateur »[6] à titre de responsable de la confection et de la tenue à jour de tout rôle d’évaluation sous la juridiction de chaque autorité compétente. Le terme « estimateur » est alors éliminé du vocabulaire législatif.

De façon plus particulière, la LEF confère un caractère plus formel à la tenue à jour des rôles d’évaluation. Plus précisément décrite et encadrée, cette opération y fait l’objet d’une section distincte (Section X – De la tenue à jour du rôle), dont les dispositions les plus déterminantes sont :

  • le transfert à l’évaluateur (au lieu du greffier ou du conseil local) de la responsabilité[7] de procéder aux modifications de tout rôle déposé, selon les conditions prévues par la loi (art. 88);
  • l’énumération des circonstances qui requièrent une modification du rôle. L’intervention pour y corriger une erreur d’écriture s’ajoute alors aux éléments issus des législations antérieures. Formée de cinq éléments lors de l’adoption de la LEF, cette énumération en compte 11 en 1978, à la suite d’ajouts postérieurs à l’entrée en vigueur de la loi (art. 86);
  • l’énumération des règles applicables à la prise d’effet de toute modification effectuée, selon le motif d’intervention dont elle découle (art. 87);
  • l’instauration du « certificat de l’évaluateur », signé par celui-ci, comme moyen unique et officiel d’effectuer au rôle toute modification prévue par la loi[8] (art. 88).

Outre cette réforme législative, la LEF amorce aussi une réforme administrative des pratiques, laquelle repose principalement sur l’usage obligatoire de moyens standardisés. Une ordonnance ministérielle édictée en 1977 exige des municipalités qu’elles confectionnent leur premier rôle annuel de nouvelle génération, au plus tard pour l’année 1984. À cette fin, elle impose d’appliquer les prescriptions du Règlement numéro 1, et du Manuel d’évaluation foncière du Québec (MEFQ) notamment pour :

  • constituer quatre fichiers permanents (mutations immobilières, éléments graphiques, fiches de propriété et unités de voisinage) destinés à recueillir et traiter systématiquement les renseignements prescrits à des fins d’évaluation foncière municipale, notamment à l’aide de formulaires universels;
  • procéder à l’établissement et au montage de chaque rôle en utilisant un formulaire diffusé exclusivement par l’Éditeur officiel du Québec et destiné à être complété au moyen d’un système informatique.

Malgré la mise en vigueur des dispositions de la LEF sur la tenue à jour des rôles d’évaluation, ni la réglementation, ni le MEFQ n’en documentent alors l’application concrète. De plus, la tenue à jour des formulaires obligatoires (fiches et rôle) n’est pas sujette à la surveillance administrative exercée, de 1977 à 1985, par le Ministère des Affaires municipales (MAM). Il en est de même quant aux certificats produits. Ainsi, à partir des seules consignes fournies dans le programme de perfectionnement diffusé de 1975 à 1979, chaque organisation municipale développe et applique donc ses propres pratiques en cette matière. Entre autres :

  • les formulaires de rôles d’évaluation et les fiches de propriété sont modifiés de façon manuscrite ou au moyen d’étiquettes collantes souvent superposées, eu égard au cumul des interventions visant une même unité d’évaluation;
  • divers modèles de certificat sont développés en fonction des besoins locaux ou des disponibilités des fournisseurs de services informatiques[9].

Évolution de la tenue à jour des rôles d’évaluation après la réforme administrative

En 1980, la Loi sur la fiscalité municipale (LFM) met en œuvre une réforme financière et fiscale sans précédent pour les municipalités du Québec (autonomie financière locale, libération du champ foncier, élargissement de l’assiette d’imposition, etc.). Elle intègre en une même loi les dispositions créant cette réforme fiscale et celles de la LEF régissant déjà l’évaluation foncière. Bien que refondues et reformulées, ces dernières n’y sont pas remises en cause, ni l’essentiel des pratiques d’évaluation foncière déjà édictées par la réforme administrative amorcée depuis 1977.

Formant le chapitre XV de la LFM (art. 174 à 184), les dispositions de 1980 relatives à la tenue à jour du rôle entraînent peu de changements. L’énumération des circonstances nécessitant une modification du rôle y est plus détaillée et harmonisée au contexte législatif (correction d’office, zonage agricole, etc.), mais sans avoir d’effets significatifs sur les pratiques professionnelles en cette matière.

À compter de 1984, le Règlement numéro 2 remplace le règlement initial et instaure diverses mesures visant à assurer la pérennité de la documentation déjà produite et la continuité des rôles à venir. À cette fin, il prévoit notamment que l’évaluateur :

  • effectue la tenue à jour du rôle en utilisant les formulaires prescrits, en application du MEFQ ;
  • complète et maintienne le système administratif déjà établi pour la confection du rôle[10];
  • puisse utiliser un substitut informatisé à la place d’un formulaire obligatoire, à condition qu’il soit équivalent à la forme, au contenu et aux fonctions du formulaire remplacé.

Pour favoriser la stabilité du régime fiscal municipal, la périodicité triennale (au lieu d’annuelle) du dépôt des rôles est imposée graduellement[11] de 1989 jusqu’en 1992. Ce changement législatif s’avère majeur pour les pratiques d’évaluation foncière, particulièrement parce qu’il accroît les exigences quant à l’équilibration des rôles. De nouvelles dispositions concernant la tenue à jour sont alors introduites pour :

  • instaurer un droit de recours annuel, au motif que l’évaluateur n’a pas effectué au rôle une modification qu’il aurait dû y apporter (LFM art. 74.1 et 131.2). Cet ajout renforce ainsi le caractère obligatoire des opérations de tenue à jour;
  • ajouter les changements à la disponibilité de services d’aqueduc ou d’égout comme événement requérant la réévaluation de l’unité d’évaluation concernée et la modification du rôle (LFM art. 174-18° et 175);
  • transférer à l’évaluateur (au lieu du greffier municipal) la responsabilité de modifier le rôle[12] pour le rendre conforme à une décision de dernier ressort rendue par un tribunal (LFM art. 182).

De plus, un changement réglementaire applicable à compter de 1990 introduit un intercalaire dit « de continuité » (formulaire 2.6.10) pour permettre la tenue à jour de toute fiche de propriété manuscrite en y insérant cet imprimé, dûment complété informatiquement.

Trois autres interventions législatives, apportées en 1994, s’avèrent déterminantes. Sans modifier les règles de tenue à jour des rôles, elles en consolident l’application en stipulant que :

  • l’évaluateur demeure requis de modifier un rôle ne reflétant pas l’état de l’unité d’évaluation, même en raison d’un événement antérieur à la date de considération des conditions du marché (ex. : anciens travaux révélés par une inspection récente) (LFM, art. 174.3). Cet ajout écarte ainsi les interprétations jurisprudentielles inverses;
  • lorsqu’un événement requérant une modification survient après la date de considération des conditions du marché, l’état de l’unité d’évaluation à prendre en compte est celui qui existe immédiatement après l’événement (LFM, art. 46, al. 2). Cette précision résout les ambigüités et les iniquités antérieurement observées;
  • toute modification de valeur à un rôle antérieur doit être déterminée comme si la modification avait été apportée lorsque ce rôle était en vigueur (LFM, art. 178, al. 2). Cette règle assure l’équité des réévaluations à effet rétroactif.

Par ailleurs, entre 1992 et 2000, divers éléments s’ajoutent à l’énumération des circonstances nécessitant une modification du rôle, entre autres pour :

  • refléter la variation de valeur découlant d’un changement de restriction juridique aux utilisations possibles de l’immeuble porté au rôle (LFM art. 174-19°). Visant surtout les modifications de zonage municipal et provincial, cet ajout (L. Q. 1994, c. 30 a. 49) entraîne la révision constante (au lieu de triennale) de l’environnement juridique des immeubles;
  • ajouter, supprimer ou modifier une mention requise au rôle en vertu des divers régimes fiscaux créés, modifiés ou abolis de 1992 à 2000 (surtaxe/taxe sur les immeubles non résidentiels, catégories de taux variés, etc.) (LFM art. 174-13°/13.1°/13.1.1°/13.2°);
  • ajouter, supprimer ou modifier, eu égard aux circonstances, une mention exigée par la réglementation sur l’évaluation foncière (LFM art. 174-20°). Cet ajout à la portée indéfinie (1995, c. 64, a. 13) n’a pas d’impact immédiat sur les pratiques d’évaluation foncière, sinon par l’intermédiaire du RREF et du MEFQ.

Modernisation réglementaire applicable au certificat de tenue à jour[13]

En 2010, d’importants changements réglementaires instaurent une modernisation du système administratif régissant l’évaluation foncière et en adaptent les exigences au contexte technologique contemporain. Amenant un impact majeur dans les pratiques d’évaluation foncière québécoises, ce changement réglementaire consiste notamment à :

  • éliminer tous les formulaires obligatoires et leurs équivalents informatiques, remplacés par l’unique prescription de renseignements informatisés, précisément définis dans l’édition modernisée du MEFQ;
  • imposer des règles universelles de transmission électronique des renseignements ainsi prescrits, afin d’assurer la cohérence des transferts de données entre tous les intervenants concernés.

Bien que s’appliquant principalement aux dossiers d’évaluation, cette révision réglementaire modifie également la forme et le contenu prescrit du rôle d’évaluation foncière, à être désormais déposé sous forme exclusivement numérique. En conséquence, la tenue à jour de ces documents s’en trouve transformée.

Alors que le certificat de tenue à jour n’avait jamais été soumis à des règles de forme ou de contenu, il devient assujetti, à compter de 2012, à des exigences analogues à celles applicables aux autres documents. Ainsi, tout certificat doit notamment :

  • être dressé au moyen des renseignements répertoriés[14] à la partie 5D du MEFQ, laquelle traite spécifiquement de la tenue à jour du rôle (RREF, art. 19.1);
  • être transmis à quiconque ayant le droit de l’obtenir en vertu de la Loi, selon la forme applicable à la transmission électronique des certificats, prévue au MEFQ (RREF, art. 21).

Tenant compte de ces règles, une nouvelle mesure législative (LFM, art. 179), aussi applicable à compter de 2012, charge l’évaluateur de transmettre directement une copie des certificats de tenue à jour à certains organismes publics (commissions scolaires, OMRE, ministères, etc.). Cette utilisation des possibilités technologiques modernes remplace l’obligation antérieure du greffier municipal de transmettre, à ces destinataires, une copie des avis de modification découlant des certificats émis par l’évaluateur.

En 2013, l’Ordre des évaluateurs agréés du Québec (OEAQ) adopte une nouvelle norme de pratique en matière d’évaluation municipale (Norme 20.1), notamment pour s’harmoniser à la structure et à la terminologie des prescriptions gouvernementales modernisées. Outre les changements réglementaires relatifs à la tenue à jour des rôles qui y sont entièrement pris en compte, cette nouvelle norme ajoute deux exigences méthodologiques, à l’effet que :

  • toute évaluation refaite dans le cadre de la tenue à jour d’un rôle doit être établie selon les mêmes paramètres que ceux utilisés aux fins de la confection de ce rôle, comme si l’événement à l’origine de cette modification avait été alors connu (règle 5.4.3);
  • tout nouveau paramètre dont l’établissement s’avère nécessaire dans le cadre de la tenue à jour (ex : nouveau développement résidentiel) doit faire l’objet d’une documentation explicative (règle 5.4.4).

Données statistiques sur l’historique du nombre de certificats de tenue à jour émis

L’examen des données statistiques disponibles, depuis 1991, sur le nombre annuel de certificats émis à des fins de tenue à jour des rôles d’évaluation de toutes les municipalités du Québec révèle notamment que :

  • plus de 800 000 certificats sont émis annuellement, pour effectuer des modifications touchant environ 23% du nombre total d’unités d’évaluation inscrites aux rôles;
  • cet important volume est relativement constant, exception faite de la période 1997-2002, alors qu’il se situe à environ 19%;
  • l’instauration d’exigences relatives à l’équilibration des rôles triennaux peuvent expliquer les pourcentages plus élevés de la période 1991-1995.

Il n’existe toutefois pas de données globales permettant de ventiler ce volume de modifications selon qu’il s’agisse de mutations immobilières, constructions ou rénovations, mentions à des fins administratives ou fiscales, changements d’adresse, etc.

Sources de référence utilisées aux fins de la présente capsule

  • Acte de 1796 sur les chemins et les ponts (36 Geo. III, c. 9), sanctionné le 1796-05-07, https://books.google.ca.
  • Acte des municipalités et des chemins de 1855 (18 Vict., c. 100), article LXVIII, sanctionné le 1855-05-30, https://books.google.ca.
  • Charte de la cité de Québec (19 Geo. V, chap. 95) avec amendements au 1960-03-10, articles 200 à 227, Éditeur officiel du Québec.
  • Loi révisant et refondant la charte de la cité de Montréal (8-9 Eliz. II, chap. 102), sanctionnée le 1960-03-10, articles 818 à 829, Éditeur officiel du Québec.
  • Code municipal de la province de Québec, Robert Tellier, Wilson & Lafleur, 1969, articles 663 à 673.
  • Lois et jurisprudence concernant les cités et villes de la province de Québec, Jacques Viau, c.r., Wilson & Lafleur, 1971, articles 485 à 500.
  • Tenue à jour du rôle, Municipalité 74, juillet 1974, p. 6.
  • Programme de perfectionnement en évaluation foncière, Session A – Le processus d’évaluation, octobre 1976, pp. IV/12-13 et Vb/22.
  • Réglementation sur le rôle d’évaluation foncière, Gazette officielle du Québec : 1977-03-23 G.O.2, 1183, 1283; 1983-11-09 G.O.2, 4464; 1988-09-21 G.O.2, 4915 ; 1989-06-21 G.O.2, 3144 ; 1994-09-21 G.O.2, 5702; 2010-08-04 G.O.2, 3533.
  • Loi sur l’évaluation foncière (RLRQ, chapitre E-16), à jour au 31 décembre 1979, LégisQuébec (www.legisquebec.gouv.qc.ca).
  • Pour assurer l’équité entre les contribuables, Alain Raby É.A., revue Municipalité, septembre 1989, pp.13-14.
  • La tenue à jour du rôle : Entre l’immuabilité et l’exactitude…, Me Éric Michaud, conférence du 2009-05-29, Site web de l’AEMQ (www.aemq.qc.ca/documentation/conferences/2009).
  • Éléments de base caractérisant la modernisation (Module 1 du programme de formation de transition sur la modernisation), MAMROT, novembre 2011, p. 52.
  • Changements législatifs concernant les certificats et les avis de modification, Le DEFexpress, 2012-02-07, p. 2.
  • Avoir à cœur son rôle est bien, l’avoir à jour est mieux!, Me Louis Bouchart d’Orval, conférence du 2013-05-31, Site web de l’AEMQ (www.aemq.qc.ca/documentation/conferences/2013).
  • Évaluation foncière et fiscalité municipale (Bloc EMUN du programme de formation professionnelle), Ordre des évaluateurs agréés du Québec, novembre 2014, pp. 67-68.
  • La nouvelle norme de pratique professionnelle en matière d’évaluation municipale (Norme 20.1) – Cahier du participant, Ordre des évaluateurs agréés du Québec, novembre 2015, p. 28.
  • La tenue à jour du rôle: quand l’Évaluateur municipal n’a pas le droit à l’erreur…!, Me Paul Wayland et Marylise Parent, conférence du 2016-03-11, site web de l’AEMQ (www.aemq.qc.ca/documentation/conferences/2016).
  • Manuel d’évaluation foncière du Québec – Édition 2018, partie 5D-Tenue à jour du rôle d’évaluation, pp. 5D-1 à 5D-4.
  • Sommaire des rôles d’évaluation foncière – Ensemble du Québec (années 1992 à 2020), Ministère des Affaires municipales et de l’Habitation, janvier 2020.
  • Loi sur la fiscalité municipale (RLRQ, c. F-2.1), à jour au 2019-12-10, LégisQuébec (www.legisquebec.gouv.qc.ca), consulté le 2020-02-15.

[1] Malgré que la loi fixe alors à 5 ans la périodicité de réévaluation, aucun autre mécanisme de modification que celui de la révision d’homologation par le conseil n’y est prévu (18 Vict. c. 100, art. LXVIII).

[2] Dans les dispositions du Code municipal, la responsabilité de modifier le rôle d’évaluation incombe entièrement au conseil municipal et, pour quelques tâches cléricales, au secrétaire-trésorier. Les estimateurs ne sont pas concernés.

[3] Un ajout apporté à la LCV en 1961 (art. 484a, ajouté par 9-10 Eliz. II, c. 84, a. 13) permet à toute municipalité assujettie à cette loi de constituer un bureau de révision chargé d’exercer divers pouvoirs en matière d’évaluation foncière, dont celui d’établir ou de modifier les estimations de valeur au rôle d’évaluation.

[4] La loi crée le « Département des estimations » de la cité de Montréal en 1941 (5 Geo. VI, c. 23) et son directeur est désigné comme étant « l’Estimateur ». L’instauration législative du « Service des cotiseurs » de la cité de Québec a lieu en 1957 (5-6 Eliz. II, c. 69) et son directeur se nomme le « chef cotiseur ».

[5] Le premier « Bureau de révision des estimations » est créé en 1937 par de nouvelles dispositions apportées à la Charte de la Cité de Montréal (1 Geo. VI, c. 103, a. 57). Il en est de même, en 1945, quant au « Bureau de révision des évaluations », introduit dans la Charte de la Cité de Québec (9 Geo. VI, c. 71, a. 11). Bien qu’adaptées à chaque ville concernée, ces dispositions s’avèrent très semblables sur l’essentiel.

[6] La LEF utilise le terme « l’évaluateur » quant à toute obligation relevant de sa responsabilité, sans nécessairement désigner une seule personne physique agissant à cette fin, selon le contexte. Avant 1972, cette façon de faire existe déjà dans la Charte de la cité de Montréal (art. 162), où le terme générique « l’estimateur » est utilisé de la même manière.

[7] Deux modifications apportées après l’entrée en vigueur de la LEF confèrent au greffier ou trésorier municipal la responsabilité de modifier le rôle pour :

  • y faire les changements aux renseignements requis pour l’élection des membres du conseil (L.Q. 1972, c. 46, a. 21);
  • le rendre conforme à toute décision de dernier ressort rendue sur une plainte ou une contestation dont il fait l’objet (L.Q. 1975 c. 68, a. 13).

[8] L’usage obligatoire d’un « certificat de l’évaluateur » instauré en 1972 par la LEF pour concrétiser la procédure de modification des rôles provient vraisemblablement de l’exigence antérieurement applicable aux bureaux de révision des villes de Québec et Montréal, dont les décisions devaient être transmises au moyen d’un « certificat d’estimation » signé par le président et motivant sommairement toute valeur refaite ou modifiée (CVQ art. 214, al. 19 et 21 / CVM art. 872). D’abord utilisée pour éviter la confusion, l’expression « certificat de l’évaluateur » est transposée dans la LFM en 1980 et y subsiste depuis, même s’il apparaît aujourd’hui superflu de mentionner de qui provient le document en cause.

[9] Le pouvoir ministériel de prescrire la forme et le contenu du certificat de l’évaluateur, introduit dans la LEF (art. 96a) en 1978, n’a pas été mis en application (L.Q. 1978, c. 59, a. 9). Reconduit dans la LFM en 1980 (art. 263, par. 2°c), ce même pouvoir n’a été appliqué qu’à compter de la modernisation réglementaire de 2010.

[10] L’exigence de maintenir à jour chacun des fichiers permanents formant le système administratif à la base du rôle est reprise au Règlement sur le rôle d’évaluation foncière édicté en 1992 (art. 16), puis à celui du même nom édicté en 1994 (art. 3 à 6) et toujours en vigueur.

[11] Les dispositions législatives instaurant le régime des rôles triennaux permettent aux municipalités d’amorcer leur premier cycle triennal pour l’exercice 1989, 1990 ou 1991. À défaut, la loi impose 1992 comme exercice initial.

[12] Introduit en 1991 (L.Q. 1991, c. 32, a. 89), cet amendement législatif confère alors à l’évaluateur municipal l’exclusivité des modifications au rôle d’évaluation, le conseil et le greffier étant désormais écartés des opérations de tenue à jour.

[13] L’expression « certificat de tenue à jour » est utilisée à l’édition modernisée du MEFQ (partie 5D), au lieu de « certificat de l’évaluateur ». Elle désigne clairement la fonction de ce document, plutôt que sa provenance.

[14] Outre les renseignements inscrits au rôle avant et après la modification effectuée, le certificat de tenue à jour doit aussi comporter :

  • un code, répertorié à la partie 5D du MEFQ, référant à l’événement dont découle la modification (ce répertoire de codes a d’abord été diffusé en 2007, sous le titre « Norme d’échange des données du certificat de l’évaluateur », sans toutefois avoir été réglementé);
  • une image encodée de la signature manuscrite de l’évaluateur.