3.7 Tribunal administratif du Québec (TAQ)

Présentation et sommaire

Le Tribunal administratif du Québec (TAQ) est un organisme multidisciplinaire indépendant instauré en 1998 par la Loi sur la justice administrative (RLRQ, chap. J-3) pour disposer de l’ensemble des recours exercés par les citoyens du Québec à l’encontre des décisions de l’Administration publique provinciale et municipale.

La Section des affaires immobilières du TAQ est chargée de statuer sur les recours qui lui sont soumis en vertu de plusieurs lois, principalement la Loi sur la fiscalité municipale. Depuis 1998, il s’agit d’environ 1 300 recours par année, dont près de 70% en matière de fiscalité municipale.

 

Origine et mission du Tribunal administratif du Québec (TAQ)

Dès le début des années 1970, le nombre et la variété des organismes administratifs décisionnels (ministères, régies, municipalités, etc.) suscite des questionnements quant à la gestion des litiges issus des rapports entre l’administration publique et les citoyens. Divers spécialistes recommandent alors l’instauration d’une justice administrative uniforme et distincte de la justice civile ou pénale.

Ce n’est toutefois qu’en 1987 que les premières mesures concrètes sont élaborées quant à l’instauration de tribunaux administratifs et à leur fonctionnement[1]. À la suite de l’abandon d’un premier projet de loi sur la justice administrative rendu public en 1993 (Projet de loi 105) et vivement critiqué, le gouvernement convient de la nécessité d’approfondir l’analyse des organismes administratifs existants et de leurs pouvoirs décisionnels spécifiques. Cet approfondissement prend forme en octobre 1994, par la production du rapport Garant intitulé Une justice administrative pour le citoyen, livré par un groupe de travail spécialisé[2].

Au terme de multiples consultations préalables à l’élaboration, puis à l’adoption des textes législatifs, la réforme tant attendue de la justice administrative se réalise en deux volets complémentaires :

  • la Loi sur la justice administrative (L.Q., 1996, chap. 54), sanctionnée le 16 décembre 1996, affirme la spécificité de la justice administrative québécoise et vise à en assurer la qualité, la célérité et l’accessibilité aux citoyens. Elle institue le TAQ, en circonscrit les compétences réparties en quatre sections, et détermine les règles régissant son fonctionnement et ses membres;
  • la Loi sur l’application de la Loi sur la justice administrative (L.Q. 1997, chap. 43), sanctionnée le 19 juin 1997, assure la mise en œuvre des principes de la loi de 1996 dans 131 lois particulières. Entre autres, elle effectue les concordances nécessaires dans la Loi sur la fiscalité municipale (LFM) et s’harmonise au mécanisme de révision administrative des plaintes récemment introduit dans la LFM. De plus, elle abolit et intègre au TAQ divers organismes existants[3], dont le Bureau de révision de l’évaluation foncière du Québec (BREF).

Concrétisant les objectifs de cette importante réforme, le TAQ est en fonction depuis le 1er avril 1998. Il a pour mission de statuer sur les recours déposés par les citoyens du Québec à l’encontre de décisions prises par l’Administration publique (ministères, régies, commissions, municipalités, etc.). Il doit notamment favoriser l’accessibilité à la justice administrative à tous les citoyens, tout en offrant des garanties d’indépendance et d’impartialité.

Pour l’ensemble des compétences sous sa juridiction, le TAQ dispose annuellement d’environ 11 000 recours, dont les conclusions sont motivées par près de 130 juges administratifs, dont une trentaine à temps partiel[4].

Section des affaires immobilières du TAQ

Tout comme les autres sections[5] du TAQ, la Section des affaires immobilières (SAI) entre en fonction le 1er avril 1998. Depuis, elle est chargée de statuer sur les recours prévus par plusieurs lois, principalement ceux :

  • prévus par la LFM relativement aux inscriptions au rôle d’évaluation foncière ou au rôle de la valeur locative, ainsi qu’aux exemptions ou remboursements de taxes foncières ou d’affaires. En ces matières, elle exerce les fonctions antérieurement dévolues au BREF;
  • portant notamment sur la fixation des indemnités découlant de l’imposition de réserves pour fins publiques, de l’expropriation d’immeubles ou de droits réels immobiliers ou de dommages causés par des travaux publics. En ce domaine, elle succède à la Chambre de l’expropriation de la Cour du Québec.

Exception faite des années 1998 à 2000, au cours desquelles doivent être traités plus de 7 500 recours antérieurs, pendants devant le BREF et la Chambre de l’expropriation, la SAI dispose annuellement d’une moyenne d’environ 1 300 recours (fiscalité municipale et expropriation), ce qui représente près de 12% du volume annuel total de dossiers réglés par le TAQ. Selon les besoins et les disponibilités, de entre 15 et 20 juges administratifs exercent cette responsabilité, répartis à peu près également entre juristes et évaluateurs agréés.

Plusieurs dispositions législatives ou réglementaires visent spécifiquement l’exercice des recours en matière d’évaluation foncière et leur disposition par la SAI. Il s’agit principalement de :

  • l’énoncé des conditions et des modalités de formation d’un recours devant le TAQ (LFM, art. 138.5 à 138.9), ainsi que la définition des responsabilités du TAQ et des différents intervenants concernés par un tel litige, y compris l’évaluateur municipal (LFM, art. 138.10 à 143);
  • l’obligation, remontant à 1998, que toute formation de deux membres appelée à disposer d’un recours relevant de la SAI soit constituée d’un évaluateur agréé[6] et d’un juriste (LJA, art. 33);
  • l’obligation, instaurée en 2000 quant aux dossiers majeurs (500 000$ ou plus), que tout témoin-expert dépose son rapport d’expertise au TAQ, au moins 15 jours avant la date fixée pour l’audience concernée (Règles de procédure du TAQ, art. 28);
  • l’exigence de droits pécuniaires, introduite à compter de 2014, devant accompagner la requête introductive de tout recours formé en vertu de la LFM (Tarif des droits afférents aux recours devant le TAQ, art. 1)

Historique statistique des recours au TAQ en matière de fiscalité municipale

Le volume des recours dont le TAQ doit disposer en matière de fiscalité municipale (évaluations, exemptions de taxes, etc.) est irrégulier en raison de la périodicité triennale du dépôt des rôles d’évaluation, dont le nombre et l’envergure diffèrent selon les années. Les données statistiques triennales – plus réalistement comparables que les données annuelles – recueillies depuis 1998 permettent notamment de constater que :

  • mise à part la période de démarrage (1998-1999-2000), la SAI dispose d’environ 2 800 recours par cycle triennal, ce qui correspond au nombre de recours exercés;
  • les recours réglés par décision suite à la tenue d’une audience représentent environ 73% des dossiers ainsi disposés, les 27% restants correspondant aux désistements et règlements à l’amiable;
  • en croissance de 1998 à 2009, le pourcentage de dossiers réglés par décision varie de 70% à 81%, entre autres par l’effet de la tenue de conférences préparatoires favorisant la conciliation entre les parties aux litiges.

 

Recours au TAQ en fiscalité municipale depuis 1998

Période triennale Recours exercés Recours disposés Recours disposés par décision (n.) Recours disposés par décision (%)
1998-1999-2000 3 491 6 331 4 411 70%
2001-2002-2003 2 111 2 814 2 013 72%
2004-2005-2006 2 237 2 316 1 722 74%
2007-2008-2009 2 970 2 460 1 924 78%
2010-2011-2012 3 346 3 392 2 608 77%
2013-2014-2015 3 340 2 624 2 118 81%
2016-2017-2018 3 156 2 889 2 106 73%
Moyenne triennale 2 950 3 261 2 415 73%

 

    Sources de référence utilisées aux fins de la présente capsule

    • Les évaluateurs agréés du BREF au TAQ, Mathieu L’Écuyer, E.A., L’évaluateur agréé Ad Hoc, juin 1997. pp. 45-46.
    • Loi sur l’application de la Loi sur la justice administrative (L.Q. 1997, chap. 43), sanctionnée le 1997-06-19, G.O.2, 1997-07-23, p. 4761
    • La réforme de la justice administrative : genèse, fondements et réalités, Marie-José Longtin, XIIIe conférence des juristes de l’État, 1998-04-02, pp. 65 à 70.
    • L’avènement du Tribunal administratif du Québec et ses effets sur la solution des litiges en fiscalité municipale, Me François T. Tremblay, Le Faisceau, été 1998, pp.13 à 16.
    • Règles de procédure du Tribunal administratif du Québec, 1999-11-17 G.O.2, 5616.
    • Rapport d’activités 1998-2000, Tribunal administratif du Québec, 2000-03-31, Site Web du TAQ (www.taq.gouv.qc.ca).
    • Le TAQ : un bilan de ses deux premières années d’existence, Me Paul Wayland et Me Louis Béland, Le Faisceau, été 2000, pp.10 à12.
    • Mémoire déposé à la Commission des institutions concernant le Projet de loi 4, Ordre des évaluateurs agréés du Québec, 2003-09-11.
    • Rapports annuels 2000-2001, 2001-2002, 2002-2003 et 2003-2004, Tribunal administratif du Québec, Site Web du TAQ (www.taq.gouv.qc.ca).
    • Rapports annuels de gestion 2004-2005 à 2017-2018, Tribunal administratif du Québec, Site Web du TAQ (www.taq.gouv.qc.ca).
    • Tarif des droits, honoraires et autres frais afférents aux recours instruits devant le Tribunal administratif du Québec, 2013-09-18 G.O. 2, 4061.
    • Loi sur la justice administrative (RLRQ, c. J-3), à jour au 2018-02-01, LégisQuébec (www.legisquebec.gouv.qc.ca), consulté le 2018-04-14.
    • Loi sur la fiscalité municipale (RLRQ, c. F-2.1), à jour au 2018-02-01, LégisQuébec (www.legisquebec.gouv.qc.ca), consulté le 2018-04-14.
    •  

    [1] Remis au ministre de la Justice (Me Herbert Marx) en 1987, le Rapport du Groupe de travail sur les tribunaux administratifs présidé par le professeur Yves Ouellette, recommande diverses mesures touchant l’organisation de plusieurs tribunaux administratifs, leur composition, leur fonctionnement et leur encadrement par un conseil. Il prévoit également le statut et les conditions de travail des membres de ces tribunaux et propose les principes directeurs d’une éventuelle procédure administrative.

    [2] Le rapport intitulé « Une justice administrative pour le citoyen » est produit au ministre de la Justice (Me Paul Bégin) le 7 octobre 1994, par le Groupe de travail sur certaines questions relatives à la réforme de la justice administrative, présidé par le professeur Patrice Garant.

    [3] À compter du 1er avril 1998, le TAQ assume les fonctions antérieurement dévolues à la Commission des affaires sociales, au Bureau de révision de l’évaluation foncière, à la Chambre de l’expropriation de la Cour du Québec, au Bureau de révision en immigration, au Tribunal d’appel en matière de protection du territoire agricole et  à la Commission d’examen des troubles mentaux.

    [4] Au 31 mars 2018, l’effectif total du TAQ s’établit à 285 postes, soit 90 postes de juges administratifs, 157 postes réguliers (cadres, professionnels et fonctionnaires) et 38 postes occasionnels.

    [5] Bien que le TAQ soit composé de quatre sections, la présente capsule ne traite que de la Section des affaires immobilières, soit la seule concernée par l’évaluation foncière municipale au Québec. C’est donc volontairement que la Section des affaires sociales, la Section du territoire et de l’environnement et la Section des affaires économiques, pourtant essentielles dans leur domaine, sont ignorées dans le présent texte.

    [6] Instaurée avec la création du TAQ en 1998, l’exigence législative qu’un évaluateur agréé fasse partie de toute formation de jugement composée de plusieurs membres est un pas important dans la reconnaissance officielle de cette profession. Par ses représentations en Commission parlementaire, l’Ordre des évaluateurs agréés du Québec a d’abord obtenu cette reconnaissance en 1998, puis l’a défendue à nouveau en 2003.