Un brin d’histoire – L’ASSOCIATION DES ÉVALUATEURS MUNICIPAUX DU QUÉBEC (AEMQ)

Auteur
ALAIN RABY
RECHERCHISTE ET RÉDACTEUR DES CAPSULES HISTORIQUES PUBLIÉES DANS HISTÉVAL​

Principaux fondateurs de l’AEMQ, réunis en 1958. Debout : Léopold Giroux, Dominique Beaulieu, Jean-C. Sarault, Paul Beaudry et Roger Charland. Assis : Eugène Mercier et Camille R. Godin

L’Association des évaluateurs municipaux du Québec est un organisme sans but lucratif qui rallie divers types d’intervenants concernés par la pratique de l’évaluation à des fins municipales. Fondée en 1959, elle est le plus ancien regroupement de praticiens de l’évaluation foncière au Québec. Déterminante dans ce domaine d’activités, son influence se concrétise surtout par la formation des ressources humaines, la coopération aux politiques gouvernementales et le partage d’informations spécialisées.

 

CRÉATION DE L’AEMQ

À compter de l’entrée en vigueur de la Loi sur les cités et villes en 1903, plusieurs municipalités populeuses – outre Québec et Montréal – se dotent de services permanents pour dresser leur rôle d’évaluation requis par cette loi Issus des effectifs municipaux existants en ingénierie et en travaux publics, de nouveaux « services d’estimation » sont alors formés d’équipes spécialisées en ce domaine. Certaines firmes de génie-conseil dispensent aussi ce type de service aux municipalités.

L’idée de créer une association québécoise de praticiens de l’évaluation municipale naît en 1958 … au Nouveau- Brunswick, où les estimateurs municipaux de l’époque sont réunis en congrès « canadien », à Fredericton. Un groupe de québécois y convient de développer ce projet de regroupement, jugé essentiel à l’évolution de leur profession.

Après réflexions et consultations, les membres de ce groupe fondent l’Association des estimateurs municipaux du Québec (AEMQ), lors de sa première assemblée générale, tenue le 25 avril 1959. Le premier comité exécutif compte alors 14 membres œuvrant dans différentes régions du Québec.

L’AEMQ est enregistrée le 2 mai 1960 selon la troisième partie de la Loi des compagnies du Québec, à titre de corporation sans but lucratif. Ses objets constitutifs principaux consistent alors à :

  • améliorer le statut professionnel, les qualifications et la compétence des estimateurs municipaux;
  • favoriser l’échange de renseignements et de méthodes concernant la pratique de l’évaluation municipale;
  • coopérer avec les agences gouvernementales et les corps publics soucieux d’améliorer cette pratique.

 

RÉALISATIONS DÉTERMINANTES DE L’AEMQ

Au fil de près de 65 ans d’activités menées dans la poursuite de ses objectifs, l’AEMQ mérite le crédit de nombreuses réalisations ayant façonné l’histoire de l’évaluation foncière au Québec. Les plus déterminantes sont les suivantes :

 

  • Création de l’Institut des estimateurs municipaux du Québec. Créé en 1962, cet organisme « satellite » de l’AEMQ assure, avec l’appui financier du ministère des Affaires municipales (MAM), le premier programme québécois de formation en évaluation municipale. Au terme de cours répartis en 3 niveaux et validés par un examen écrit, ce programme fournit la certification « M.I.E. » (Membre de l’Institut des Estimateurs), laquelle devient graduellement reconnue par plusieurs employeurs privés et publics. Ce programme et l’Institut qui le diffuse cessent d’exister en 1970, alors que la Loi constituant la Corporation des évaluateurs agréés du Québec (CEAQ) confie à celle-ci un mandat officiel quant à la formation en évaluation immobilière, lui transférant ainsi l’appui gouvernemental. La seule formation disponible, plus générale, relève ensuite de l’action conjointe de la CEAQ et des universités.
  • Proposition décisive d’une réforme attendue. À la demande de la Commission royale d’enquête sur la fiscalité, l’AEMQ y dépose, en 1964, un rapport d’étude sur les éléments de réforme qu’elle propose en matière d’évaluation municipale. On y décrit un plan global d’intervention visant à uniformiser (au même niveau par rapport à la valeur) et à normaliser (avec les mêmes moyens) les rôles d’évaluation partout au Québec. Aussi, on y préconise une refonte complète des lois régissant cette discipline et la création d’un organisme permanent chargé d’assurer leur application. De nombreuses recommandations ainsi formulées par l’AEMQ sont retenues au rapport de la Commission, en 1965. Elles se concrétisent ensuite en 1972, par la mise en vigueur de Loi sur l’évaluation foncière et par la création de la Direction générale de l’évaluation foncière du MAM.
  • Obtention de la formation technique permanente. À compter de 1972, l’AEMQ signale aux responsables concernés que les nouveaux cours négligent les réalités méthodologiques d’évaluation de masse. Elle déplore vivement qu’une large part des effectifs d’évaluation municipale n’ait plus accès à aucune formation afférente à ses tâches. Ces revendications, conjuguées à la nécessité d’implanter la réforme de l’évaluation foncière, amènent le MAM et les institutions d’enseignement collégial à mettre sur pied le programme « Technologie de l’estimation et de l’évaluation immobilière ». Diffusé en permanence depuis 1976, ce programme de trois ans procure notamment une formation technique en évaluation municipale, telle que pratiquée au Québec (manuels, dossiers de propriété, cartographie, etc.).
  • Proposition d’exigences réglementaires majeures. En 1982, l’AEMQ réagit à la consultation alors menée par le MAM sur les règles à appliquer quant à la continuité des rôles, postérieurement à la réforme administrative de 1977. Dans un mémoire présenté au ministre, elle recommande notamment que la réglementation exige le réajustement des valeurs au rôle au-delà d’un niveau plancher, qu’elle fixe un délai de réinspection de tous les immeubles et qu’elle autorise l’usage d’équivalents informatiques des formulaires obligatoires. Ces recommandations sont ensuite retenues au Règlement numéro 2 sur la continuité des rôles, entré en vigueur en 1983.
  • Contribution à la formation professionnelle continue. En 1991, l’AEMQ conclut un partenariat avec le MAM et l’Ordre des évaluateurs agréés du Québec (OEAQ), visant à résoudre les difficultés qui existent quant à la formation universitaire en évaluation et à mieux coordonner les activités de perfectionnement dans cette profession. Après l’insuccès de démarches auprès des universités, le Comité tripartite MAM-OEAQ-AEMQ développe et diffuse, depuis 1996, un programme annuel de formation professionnelle destiné à pallier les lacunes constatées. Parmi les sept blocs de cours formant ce programme, un cours de deux jours traite spécifiquement d’évaluation municipale.

Identifiant graphique initial
du journal Le Faisceau, de 1971 à 1978

  • Publication du journal Le Faisceau. L’AEMQ débute la publication du journal Le Faisceau en Ce journal trimestriel a un contenu varié : activités de l’AEMQ, jurisprudence, analyses spécialisées, résumés de lectures et publicité professionnelle. Diffusé aux membres ainsi qu’aux municipalités, il s’avère graduellement un moyen efficace de liaison entre les nombreuses personnes concernées par l’évaluation municipale et disséminées sur le territoire du Québec. Produit grâce aux efforts concertés de plusieurs collaborateurs, Le Faisceau fait l’objet de diverses transformations au fil des ans : on peut noter le changement de technologie d’impression en 1987, l’instauration de la publication électronique en 2000, ainsi que la révision complète de sa présentation sur le site web de l’AEMQ, en 2016 et en 2022.
  • Publication d’un recueil d’informations historiques. En 2020, l’AEMQ publie un recueil numérique d’informations sur l’histoire des pratiques québécoises d’évaluation municipale. Nommé « HistÉval » (contraction des mots « histoire » et « évaluation »), cet ouvrage compte 50 capsules résumant chacune l’historique d’une loi, d’un règlement, d’un organisme ou d’un développement ayant contribué à l’évolution de ce domaine d’activités. Ce regroupement de connaissances sur le passé constitue une source de référence reconnue, soit dans la pratique de l’évaluation foncière, soit pour la formation académique ou pour la recherche en cette matière. Depuis 2022, ce recueil est également diffusé à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), sous le titre Historique de l’évaluation municipale au Québec.

 AUTRES ÉLÉMENTS SIGNIFICATIFS SUR L’HISTOIRE DE L’AEMQ

  • Initialement nommée « Association des estimateurs municipaux du Québec », l’AEMQ change d’appellation en septembre 1972 pour « Association des évaluateurs municipaux du Québec ». Ce changement vise alors à s’harmoniser au vocabulaire de la récente Loi sur l’évaluation foncière, où les termes « estimation » et « estimateur » ne figurent plus.
  • Après avoir connu la croissance et la notoriété au cours des années 60, l’AEMQ doit redéfinir ses orientations à partir de 1970. Son leadership en matière de formation et de regroupement professionnel s’avère alors diminué, notamment à la suite de la création de la CEAQ. De sérieux questionnements ont cours quant à la mission et même à la survie de l’AEMQ. Cela s’estompe à

    compter de 1976, avec l’enclenchement de la réforme de l’évaluation foncière et l’arrivée d’une main-d’œuvre issue la nouvelle formation technique de niveau collégial en ce domaine.

Identifiant graphique initial
de l’AÉMQ jusqu’en 1979

Identifiant graphique de l’AÉMQ en 2019

  • À ses débuts, l’AEMQ connaît une croissance rapide du nombre de ses Alors qu’elle en compte 95 lors de sa fondation en 1959, ce nombre excède 400 en 1972 et atteint son apogée d’environ 600 au cours de la période 1980-1985. Le nombre de membres de l’AEMQ diminue ensuite progressivement, passant à environ 500 en 1990, puis à environ 300 en 2020. Cette tendance s’inverse ensuite, alors qu’on en dénombre 362 en 2023.
  • À ce jour, 42 personnes différentes ont occupé la présidence de l’AEMQ depuis sa création. Bien que leur mandat soit annuel, plusieurs furent reconduites dans cette fonction pour une seconde (14), une troisième (3) et même une quatrième (1) année consécutive.
  • L’AEMQ convie annuellement ses membres à un congrès depuis 1963. Cela s’inscrit dans la poursuite de ses objectifs d’échanges professionnels et d’amélioration des compétences de ses membres, lesquels apprécient cette forme de rassemblement. Celui- ci rassemble chaque fois de 150 à 250 congressistes et a lieu dans une grande diversité de villes québécoises. Au fil des ans, il devient le principal forum d’échanges en matière d’évaluation municipale au Québec. Depuis 2007, la participation à ce congrès est reconnue aux fins de l’application de la réglementation sur la formation continue des évaluateurs agréés.

 

STATISTIQUES CONGRÈS.

De 1963 à 2023, l’AEMQ a tenu 57 congrès annuels (sauf en 1975, 1976, 2020 et 2021). Ils ont eu lieu dans 24 villes différentes (telles qu’existantes en 2023). Les plus retenues à cet effet sont Québec (7 fois), Trois-Rivières (6 fois) et Gatineau (5 fois). Toutes les régions du Québec ont reçu au moins une fois un tel congrès, y compris l’Abitibi-Témiscamingue, en 1984.

 

POUR CONCLURE

S’étendant sur plus de 60 ans, l’influence de l’AEMQ fut déterminante dans l’évolution du domaine de l’évaluation municipale au Québec. Son audacieuse proposition de réforme, en 1964, s’est avérée étonnamment pertinente… une décennie plus tard! Soucieuse de promouvoir des pratiques de grande qualité, elle a initié et soutenu avec succès des activités marquantes de formation spécialisée en évaluation foncière. Enfin, l’AEMQ réussit sa diffusion d’informations en cette discipline, sous différentes formes (publications, congrès, site web, etc.), non seulement pour ses membres, mais pour l’ensemble du milieu municipal.

 

VOUS EN SOUVIENDREZ-VOUS ?

Pour en apprendre davantage sur cet historique, consultez les capsules 3.1 et 5.3 dans HistÉval sur le site internet de l’AÉMQ.
Pour suggérer un ajout ou un correctif dans HistÉval, écrivez à : info@aemq.qc.ca.