Un brin d’histoire… Extrait de histéval

Auteur
ALAIN RABY
RECHERCHISTE ET RÉDACTEUR DES CAPSULES
HISTORIQUES PUBLIÉES DANS HISTÉVAL

LES NORMES DE PRATIQUE PROFESSIONNELLE EN ÉVALUATION MUNICIPALE : UNE HISTOIRE RÉCENTE

Les normes de pratique profession-nelle décrivent les règles de l’art relatives aux actes propres à l’exercice d’une profession. Ayant pour mission de protéger le public, l’Ordre des évaluateurs agréés du Québec promeut des normes de pratique qui s’appliquent à ses membres. Ces normes servent de référence à la fois aux évaluateurs agréés, au public, ainsi qu’aux responsables de la surveillance des actes professionnels concernés, notamment en matière d’évaluation municipale.

DÉBUTS DE LA NORMALISATION DES « RÈGLES DE L’ART » EN ÉVALUATION MUNICIPALE (1972-1985)

Bien que fortement recommandée par les spécialistes prônant une réforme de la fiscalité municipale, la normalisation des pratiques d’évaluation foncière ne se concrétise pas immédiatement après la création de la Corporation (l’Ordre) des évaluateurs agréés du Québec (OEAQ), en 1969. Durant les décennies 1970 et 1980, les « règles de l’art » de l’évaluation municipale sont plutôt documentées par divers apports législatifs, réglementaires et méthodologiques. Ainsi :

  • la Loi sur l’évaluation foncière, entrée en vigueur en 1972, décrit et uniformise les principaux actes requis des évaluateurs municipaux;
  • le volume Principes et concepts généraux en évaluation foncière, premier ouvrage de référence en langue française sur ce sujet, est publié en 1974 puis devient un outil d’enseignement largement utilisé;
  • les documents de support diffusés de 1975 à 1979 pour la formation sur la réforme administrative tiennent ensuite lieu de guides méthodologiques, sans que leur utilisation ne soit imposée;
  • le « Règlement numéro 1 » sur les rôles de nouvelle génération prescrit, à compter de 1977, les étapes du processus de confection de tels rôles ainsi que les formulaires à y utiliser selon les consignes du Manuel d’évaluation foncière du Québec (MEFQ). 

De 1977 à 1985, le ministère des Affaires municipales vérifie systématiquement la réalisation des travaux prescrits, assurant ainsi le suivi de l’implantation de la réforme. Cette surveillance administrative représente un encadrement jugé suffisant à cette époque, compte tenu qu’une large part des évaluateurs signataires de rôles exerce alors cette fonction en vertu d’un permis spécifique délivré par la Commission municipale du Québec (CMQ).

PREMIÈRE NORME DE PRATIQUE DES ÉVALUATEURS AGRÉÉS (1989)

Par souci de raffermir sa surveillance de la profession d’évaluateur agréé, l’OEAQ adopte sa première norme de pratique en 1989. Son contenu vise à constituer la référence publique sur les règles de l’art de cette profession, notamment à des fins d’inspection professionnelle.

Outre les règles générales applicables à tout évaluateur agréé (connaissances, expérience, communications, etc.), on y stipule des exigences supplémentaires, propres à des champs de pratique spécifiques : expropriation, financement, assurances et évaluation municipale. Celles concernant l’évaluation municipale s’avèrent, de loin, les plus élaborées. Elles comportent l’essentiel des obligations alors prescrites par le « Règlement numéro 2 sur la continuité des rôles ». On y énonce aussi d’autres exigences portant notamment sur :

  • la responsabilité de l’évaluateur agréé signataire de tout rôle quant à l’ensemble des actes posés, par lui-même ou par tout collaborateur, dans le cadre de sa confection et de sa tenue à jour;
  • la présentation d’une expertise devant un tribunal, en matière d’évaluation municipale;
  • l’interdiction de fixer des honoraires fondés exclusivement sur l’économie de taxes résultant d’une contestation.

La portion de la norme de 1989 régissant l’évaluation municipale demeure en vigueur jusqu’à son remplacement, en 1999. Durant cette période, elle sert efficacement de référence aux fins des inspections effectuées par l’OEAQ dans ce champ de pratique. Elle n’assujettit toutefois pas les personnes signataires de rôles qui exercent cette fonction en vertu d’un permis délivré par la CMQ et qui ne détiennent pas le titre d’évaluateur agréé.

LES NORMES DE PRATIQUE PROFESSIONNELLE DES ÉVALUATEURS AGRÉÉS (1999 USPAP)

En 1999, l’OEAQ révise sa norme de pratique et l’harmonise à ce qui prévaut alors aux États-Unis et ailleurs au Canada : les « Uniform Standards of Professional Appraisal Practice » (USPAP). Respectant à la fois les principes des USPAP et le contexte législatif distinct du Québec, la norme ainsi révisée :

  • distingue la substance de chaque acte professionnel (processus intellectuel) et la façon d’en rapporter les résultats (processus matériel), créant ainsi deux normes connexes pour chaque champ de pratique visé;
  • énonce clairement des règles coercitives (ne pouvant être transgressées) et de simples directives (non obligatoires), avec les explications appropriées;
  • est rédigée selon un vocabulaire conforme à la doctrine et à la jurisprudence de langue française.

Les normes 19-20 de 1999, relatives à l’évaluation municipale, remplacent alors les règles antérieures à ce sujet. Outre la révision de forme, on y intègre des changements survenus depuis 1989, dans les exigences gouvernementales. Entre autres, ces deux normes révisées :

  • distinguent la date de référence et le moment de l’évaluation;
  • respectent la structure du processus réglementaire de confection et de tenue à jour du rôle, tel que décrit au MEFQ depuis 1994;
  • incorporent les obligations, introduites en 1997 dans la Loi sur la fiscalité municipale, quant à la révision administrative de l’évaluation.

 

Les normes19-20 servent de référence aux fins des inspections effectuées par l’OEAQ en matière d’évaluation municipale jusqu’en 2021 (sous réserve des modalités transitoires de passage à la norme 20.1 de 2013). Ces normes s’appliquent à tous les signataires de rôles à compter de 2001, puisque la loi accorde, dès lors, l’exclusivité de cette fonction aux évaluateurs agréés.

LA NORME DE PRATIQUE « MODERNISÉE » EN ÉVALUATION MUNICIPALE (NORME 20.1 DE 2013)

Pour refléter les exigences gouvernemen-tales sur la modernisation de l’évaluation foncière, l’OEAQ adopte, en 2013, une nou-velle norme de pratique en matière d’éva-luation municipale (norme 20.1). Celle-ci vise notamment à :

  • décrire clairement les obligations professionnelles de l’évaluateur dans ce champ de pratique;
  • uniformiser la terminologie entre les exigences normatives et celles des textes réglementaires et du MEFQ;
  • servir aux donneurs d’ouvrage (villes, MRC, etc.) pour définir les exigences à inclure aux appels d’offres. 
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La norme 20.1 de 2013 est formée d’un ensemble détaillé d’énoncés, structuré selon l’ordre du processus alors prescrit de confection et de tenue à jour du rôle. Elle comporte plusieurs innovations significatives, telles :

  • l’obligation que l’évaluateur aie accès aux ouvrages de référence reconnus;
  • l’obligation qu’il puisse expliquer clairement les principales prescriptions;
  • la définition des actes visés par la vérification de l’exactitude des renseignements descriptifs;
  • l’obligation de tenir à jour un fichier des nouvelles constructions;
  • l’exigence d’identification de l’évaluateur agréé qui est l’auteur de toute analyse ou qui en a vérifié la réalisation.

Bien qu’entrée en vigueur en 2013, la norme 20.1 ne prend effet qu’à l’égard des actes professionnels relatifs à la confection de tout rôle entrant en vigueur le 1er janvier 2016 ou après. Elle sert désormais de référence aux fins des inspections professionnelles effectuées par l’OEAQ en ce domaine.

LES NORMES RÉGISSANT L’ANALYSE PRÉLIMINAIRE AUX FINS DE RÉVISION (NORMES 20.2 ET 20.3 DE 2019)

À compter de 2019, les nouvelles normes 20.2 et 20.3 instaurent des règles régissant le travail de consultation de l’évaluateur agréé, précédant un éventuel recours judiciaire. Elles lui exigent principalement :

    • d’informer le client du processus prévu par la loi quant à la révision de valeur réelle;
    • de recueillir les données pertinentes sur l’immeuble concerné (visite, données physiques, économiques, etc.);
    • de procéder à une analyse préliminaire de la valeur réelle;
    • d’échanger avec le client de façon qu’il puisse prendre une décision éclairée sur la suite à donner;
    • de pouvoir fournir à l’évaluateur municipal l’attestation du mandat de vérification obtenu et de l’application conforme des normes de l’OEAQ en cette matière.

    POUR CONCLURE

    Précédées par les seuls énoncés réglementaires et méthodologiques du gouvernement durant les décennies 1970 et 1980, les normes de pratique en évaluation municipale ont une histoire plutôt récente. C’est seulement à compter de 1989 qu’elles sont instaurées par l’OEAQ pour appuyer l’exercice de sa mission d’inspection professionnelle, surveillance auparavant effectuée par le ministère des Affaires municipales.

    Les normes de pratique régissant aujourd’hui l’évaluation municipale résultent d’une évolution trentenaire considérable. Il est rassurant qu’elles servent désormais de référence aux inspections professionnelles effectuées par l’OEAQ dans ce champ de pratique qui, rappelons-le, est le seul à être exclusif aux évaluateurs agréés. Vous en souviendrez-vous?

    Pour en apprendre davantage sur cet historique, consultez la capsule 1.7 à la page 49 de HistÉval, déposé à la Bibliothèque et archives nationales du Québec (BAnQ). Pour suggérer un ajout ou un correctif dans HistÉval, écrivez à : info.aemq.qc.ca.

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