Résumé de la rencontre de 2023 du canadian property assessment network (cpan)

Auteur
M. STÉPHANE GAUVREAU, É.A SERVICE DE L’ÉVALUATION – VILLE DE LAVAL CHEF DE DIVISION

Encore une fois cette année, la conférence du « Canadian Property Assessment Network » s’est tenue les 5 et 6 juillet 2023 par visioconférence (TEAMS).

C’est le « Manitoba Assessment Services » qui était notre hôte et c’est M. Michael Boyle, A.A.M. Coordonnateur responsable de l’évaluation des immeubles non résidentiels du service de l’évaluation de la province du Manitoba qui en était l’animateur et le modérateur.

Comme à l’habitude, plusieurs sujets d’intérêt étaient prévus à l’ordre du jour.

En première partie, chaque organisation y est allée de sa mise à jour dite juridictionnelle qui consiste à informer les participants des faits saillants de la dernière année concernant des enjeux précis du secteur de l’évaluation municipale et récurrents tels que l’emploi et la formation, les décisions pertinentes des divers tribunaux à travers le pays, la technologie, les enjeux organisationnels, etc.

En deuxième partie de la Conférence, nous avons eu droit à des présentations très intéressantes. Toutefois, je ne résumerai que celles qui m’apparaissent les plus pertinentes pour les besoins du présent compte rendu.

Seules les villes d’Edmonton, de Saskatoon et de Laval ainsi que les agences MPAC (Ontario), SAMA (Saskatchewan) et celle du Manitoba avaient préparé des présentations.

Voici donc un aperçu des sujets soulevés et du contenu de certaines présentations.

 

PRÉOCCUPATIONS SOULEVÉES

Lors de la présentation des mises à jour juridictionnelles, nous avons été en mesure de constater que certaines préoccupations des villes québécoises et celles des autres villes et provinces du Canada étaient parfois les mêmes. Notamment en ce qui concerne le traitement des demandes de révision, l’obtention des documents requis pour le traitement des demandes, les délais qui en découlent et les demandes de remise souvent indues.

Tout comme dans nos organisations québécoises, l’embauche et la rétention des employés dans les diverses organisations canadiennes sont des enjeux majeurs de même que la formation de ces mêmes employés.

Le problème est encore plus criant lorsqu’il est question de modélisateurs(trices) possédant des connaissances en évaluation. Dans toutes les organisations présentes, la modélisation statistique est et sera de plus en plus utilisée puisque les outils disponibles sont maintenant en mesure de traiter une très grande quantité d’informations, et ce, avec des vitesses d’exécution impressionnantes.

Accessoirement et parce qu’il en va de la rétention des employés, il a aussi été question du mode de travail hybride, de ses avantages et de ses impacts dans certaines organisations. Si, dans certaines juridictions, le télétravail a été la seule option pendant la pandémie, dans la très grande majorité des cas, l’employeur exige un retour au travail en présentiel de deux à trois jours par semaine selon la nature des tâches à effectuer.

 

MÉTHODES ET OUTILS D’ÉVALUATION

La confection de rôles d’évaluation par modélisation statistique a fait l’objet d’une présentation de la part MPAC (Municipal Property Assessment Corporation of Ontario). L’intelligence artificielle a aussi été soulevée. Il en sera question dans la deuxième partie du présent compte rendu.

D’autres juridictions municipales et provinciales regardent aussi dans cette direction, mais n’en sont qu’aux étapes initiales.

Enfin, plusieurs des organisations présentes ont dit être présentement à la recherche de fournisseurs de systèmes d’évaluation (CAMA systems – Computer Assisted Mass appraisal). Dans un but d’efficacité et essentiellement afin de moderniser leurs méthodes et processus qui datent dans certains cas de près de quarante (40) ans.

 

MPAC (ONTARIO)

L’agence ontarienne de l’évaluation (MPAC), nous a entretenus de la modélisation en évaluation et de l’apprentissage machine (intelligence artificielle appliquée à l’évaluation de masse).

Le modèle fonctionne sommairement de la manière suivante (résidentiel):

  • Extraction des transactions résidentielles (unifamiliales et copropriétés). Ces données font l’objet d’un premier tri automatisé;
  • Toutes les caractéristiques physiques de l’immeuble et de la vente sont relevées et traitées de même que celles concernant le temps;
  • MPAC utilise un algorithme par WGBoost (Extreme Gradient Boosting);
  • La donnée est traitée via les services Web d’Amazon;
  • Les modèles ainsi créés sont mis à jour de manière hebdomadaire (Valuation in real time) et appliqués à chaque catégorie d’immeubles. MPAC utilise environ 127 modèles pour le marché résidentiel et une trentaine pour les immeubles non résidentiels (Méthodes de comparaison et du revenu).

Tous les modèles résidentiels utilisent la méthode de comparaison. Les transactions retenues sont analysées et modélisées à l’intérieur d’un intervalle de temps donné selon plusieurs variables telles que le voisinage, la superficie du terrain et du bâtiment, l’âge, etc.

Dès la fin de 2022, une valeur en temps réel a été générée pour 4,6 millions de propriétés unifamiliales et copropriétés résidentielles en Ontario.

Selon les tests effectués, la modélisation statistique a permis d’obtenir des résultats tout aussi satisfaisants ou plus en termes d’évaluation et d’équité fiscale pour les secteurs où la donnée est abondante.

Toutefois, la plus grande amélioration à ces égards a été observée pour les secteurs où les données étaient plus rares soit une baisse d’environ 25% de l’écart-type pour ces secteurs en particulier.

MPAC souhaite donc continuer à tester diverses itérations pour chacun des modèles. Ils entendent aussi faire évoluer le même procédé afin de l’étendre à l’évaluation des terrains vacants et des propriétés non résidentielles. Enfin, l’agence espère être en mesure de produire des évaluations « individualisées » pouvant être utilisées devant les comités de révision (review board) soit l’équivalent de notre tribunal administratif.

 

SAMA (SASKATCHEWAN)

M. Shaun Cooney, Chief Assessment Governance Officer de SAMA nous a offert, quant à lui, un excellent aperçu de la révision et de la modernisation en cours de leur système d’évaluation précédé de l’historique de l’évaluation dans cette province.

Disons seulement que la Saskatchewan s’est dotée d’un système d’évaluation uniforme pour la province en 1987 suite à l’adoption du « The Assessment Management Acency Act ». SAMA a procédé par la suite en 1997 à une mise à jour majeure de ses taux, données et outils. Le barème des coûts datant alors de 1965.

L’agence a continué à améliorer ses processus en 2001 et 2005 en préparation de l’utilisation des méthodes du revenu et de la comparaison.

Simultanément à partir de 2004, l’agence adoptait une approche plus encadrée de l’évaluation de masse qui s’est étalée sur près de cinq (5) ans pour une mise en œuvre en 2009. Cela dans le but de renforcer la confiance du public en fournissant des évaluations immobilières plus justes, transparentes et plus facilement défendables, puisque dorénavant basées sur la valeur marchande pour une répartition fiscale plus équitable.

À l’instar de bien d’autres juridictions canadiennes, SAMA malgré sa recherche de solutions de plus en plus efficaces, est présentement à la recherche d’une solution plus intégrée qui permettra éventuellement de préciser les valeurs apparaissant à leurs rôles d’évaluation. Un des objectifs poursuivis étant de réduire les coûts énormes dus aux délais irraisonnables et aux ressources humaines nécessaires dans certains cas de révision des valeurs.

L’Agence est présentement dans un processus de consultation avec l’I.P.T.I. (International Property Tax Institute) afin d’identifier ses besoins et les changements nécessaires pour atteindre leurs objectifs.

Les options soulevées suite aux analyses effectuées par l’I.P.T.I. suggèrent de substituer la « true market value » au « Market Valuation Standard » tel qu’actuellement édicté dans la législation provinciale. On recommande aussi de modifier le présent cycle de quatre (4) ans pour le réduire possiblement à deux (2) ans, de modifier la date effective d’évaluation, d’améliorer la formation des intervenants en évaluation et enfin de réformer tout le processus actuel des demandes de révision (appeal system) pour les raisons déjà mentionnées, ce qui n’est pas une mince tâche.

Me questionnant à savoir si la définition de « True Market Value » comme option possible aux fins de l’évaluation dans cette province rejoignait celle de la valeur réelle au Québec, M. Cooney m’a informé que l’Institut (I.P.T.I.) n’avait pas fourni de définition claire du terme dans ses recommandations. Qui plus est, la législation de la Province prévoit déjà une norme d’évaluation au marché (Market Valuation Standard) des propriétés les obligeant à utiliser les trois méthodes d’évaluation aux fins de leur rôle dans le cas des propriétés résidentielles, commerciales et multirésidentielles.

C’est un « work in progress » et j’aurai certainement plus de détails à transmettre à cet égard à la suite de la conférence de 2024. Il va de soi que vu l’importance des changements nécessaires, cela demandera des amendements législatifs et réglementaires importants dans cette Province si les recommandations de l’Institut sont, en tout ou en partie, reçues favorablement par l’agence Provinciale.

Eu égard au processus de demande de révision, le représentant de la ville de Saskatoon, M. Braydon York, A.A.C.I., est, quant à lui, revenu plus en détail sur le processus actuellement en place et sur les enjeux que cela représente pour les juridictions de la Province.

Je serai bref puisque leurs préoccupations et enjeux sont très semblables à ceux du Québec et comme dans les autres provinces d’ailleurs. Sur le principe, les étapes à suivre peuvent se ressembler, mais les obstacles majeurs communs sont, encore une fois, l’obtention de la documentation adéquate de la part des demandeurs ou de leurs représentants à l’intérieur de délais raisonnables, les très nombreuses demandes de remise et le temps nécessaire pour traiter un dossier, du début à la fin, est jugé excessif et même abusif par les diverses agences de taxation.

Toutefois, les processus en place dans certaines villes et/ou provinces ne semblent pas être aussi bien encadrés qu’ils le sont au Québec. D’où la nécessité, dans le cas de SAMA, de revoir en entier le processus en place avec le concours des législateurs de la Province.

 

MANITOBA PROPERTY ASSESSMENT SERVICES

M. Michael Boyle, A.A.M. (Accredited Assessor of Manitoba) quant à lui, nous a présenté le processus d’inspection par imagerie à haute résolution utilisé pour les propriétés résidentielles unifamiliales pour pratiquement l’ensemble des propriétés unifamiliales et les unités résidentielles détenues en copropriété au Manitoba.

Le territoire de la province est divisé en dix (10) districts pour autant de bureaux en plus du district de Winnipeg (Service d’évaluation distinct). La Province compte 440 000 mille unités d’évaluation pour une valeur au rôle globale de 104 milliards de dollars.

L’agence dessert 136 municipalités et 36 commissions scolaires en plus de 61 territoires au sein du « Manitoba Indigenous Reconciliation and Northern Relations », et ce, avec une équipe d’une centaine d’employés.

Les rôles d’évaluation sont établis sur une base biennale. En moyenne, l’agence traite 2 500 permis neufs et environ 12 000 permis d’améliorations et autres par an.

Les critères d’inspection imposent l’inspection des nouvelles constructions et des ventes à l’intérieur d’un délai de deux ans. De plus, le cycle de l’inventaire du milieu est de huit (8) ans pour les propriétés « construites » et de 12 ans pour les terrains vacants.

Afin d’améliorer sa performance et son processus, l’agence manitobaine a entrepris il y a quelques années déjà de procéder à ses relevés physiques à partir d’outils technologiques tels que Keystone Matrix (essentiellement Matrix via Centris au Québec), GIS et par imagerie aérienne haute résolution. Dans ce dernier cas, pour l’inventaire du milieu essentiellement.

Ces relevés sont maintenant effectués à partir de l’application « Reveal + » de Eagleview. Les images haute résolution sont fournies sous deux formes soit orthomosaïque et oblique avec une vue 360°. Au cours du dernier cycle de 8 ans, plus de 140 000 propriétés (unités d’évaluation) résidentielles ont pu être relevées.

Aux fins de l’inventaire du milieu, le relevé des caractéristiques physiques des immeubles est effectué à partir des images captées (desk top review) ce qui représente près de 75% des inspections alors que les 25% restants ont lieu sur le terrain (constructions neuves et certains permis d’amélioration). Cette façon de procéder permet un retour sur investissement plus que satisfaisant pour l’agence grâce à une plus grande efficience des ressources humaines déjà en place.

La prochaine étape pour le MPAS est la détection des changements à l’aide de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage machine par la comparaison des relevés avant et après modifications. Il va de soi qu’il est question de modifications extérieures telles qu’agrandissements, démolitions, ajout de garage ou de piscine, améliorations d’emplacement, etc.

« Enfin, le portail « MYPROPERTYMB » est entré en fonction en 2022 et permet aux contribuables de la province d’avoir accès aux détails de leurs dossiers municipaux.

 

VILLE DE LAVAL

La Ville de Laval, a présenté la saga du dossier VIDÉOTRON, du TAQ jusqu’à la cour suprême. Ce dossier a retenu l’attention du Faisceau à plus d’une reprise au cours des dernières années alors, je ne juge pas nécessaire d’aller plus loin, ici.

Toutefois, il nous est apparu utile d’en faire la présentation à ce forum afin d’entendre les commentaires des autres juridictions.

Or, il appert que l’Ontario (MPAC) ne procède pas du tout à l’évaluation des sites ni des équipements de télécommunication et ils ne sont donc pas portés au rôle.

Au moment d’écrire ce compte rendu, j’ai procédé à un appel à tous afin de savoir si les installations de télécommunication sont considérées comme non portables au rôle ailleurs au Canada et si c’est le cas, ces diverses provinces ou villes reçoivent-elles un type de compensation quelconque ou un en-lieu de taxes de la part des fournisseurs?

Il y aura peut-être lieu de faire une mise à jour dans une prochaine édition du Faisceau.

 

CONCLUSION

En terminant, il est toujours intéressant de voir ce qui se fait ailleurs dans notre domaine d’expertise et d’apprendre que dans bien des cas, les enjeux sont très similaires que ce soit légalement, technologiquement ou au niveau des ressources humaines et matérielles.

Toutefois les réalités de chacune des juridictions présentes sont différentes.

Les ressources matérielles et les lois et règlements diffèrent grandement de l’une à l’autre. Il en est de même des certifications ou appartenances à des associations provinciales ou canadiennes d’évaluateurs ou à l’Ordre professionnel des évaluateurs agréés du Québec chez nous.

Les normes diffèrent grandement et l’encadrement professionnel généralement moins rigide qu’on observe ailleurs fait en sorte que les coûts de l’évaluation par unité d’évaluation par exemple ou le nombre d’employés de chaque service par milliers d’unités d’évaluation peut différer grandement. Toute comparaison directe des indicateurs de performance devient alors boiteuse et elles doivent être comparées en tenant compte des obligations législatives, réglementaires et professionnelles de chacune des juridictions.

Il s’agissait donc des principaux sujets discutés cette année.

Je souhaite sincèrement que ce compte rendu ait suscité quelque intérêt chez certains d’entre vous et qu’il vous donne peut-être envie de participer à une prochaine édition de la conférence annuelle du CPAN. »