Projet de loi 49 : ses impacts pour l’évaluateur municipal

Bernard Côté, É.A.. Ville de Montréal

Le 5 novembre dernier était sanctionnée la Loi modifiant la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale et diverses dispositions législatives, répondant au préalable à la désignation de projet de loi 49.
Examinons ce que cette nouvelle pièce législative apporte pour nous.
D’entrée de jeu, disons que plusieurs modifications apportées à la Loi sur la fiscalité municipale par le projet de loi 49 relèvent de la fiscalité, et plus particulièrement du traitement des compensations et tenant lieu de taxes aux municipalités. Sans entrer dans toutes les formalités de nature fiscale, nous verrons qu’il existe dans cette nouvelle approche certaines répercussions sur notre pratique en matière de tenue à jour des rôles.
Confection des rôles
L’ajout à la Loi sur la fiscalité municipale de l’article 14.2 vient permettre aux OMRÉ responsables de plusieurs rôles d’évaluation de modifier la séquence de confection et de dépôt des différents rôles sous leur gouverne pour permettre une meilleure gestion de la charge de travail.
Pour ce faire, une demande doit être formulée au ministre et démontrer qu’il y a une surcharge de travail inhérente à la confection des rôles selon le calendrier en place. De plus, la demande doit être accompagnée de l’accord des municipalités locales concernées et doit faire l’objet d’un avis

public. Cette nouvelle possibilité est la bienvenue pour bon nombre d’OMRÉ qui pourront ainsi optimiser leurs opérations. Pas négligeable dans le contexte de pénurie de main-d’œuvre que nous vivons tous. Retenons toutefois qu’elle est assortie de conditions non négligeables pour être exercée.
À noter toutefois que cette possibilité n’est pas offerte aux OMRÉ assujettis à l’article 81 de la Loi sur l’exercice de certaines compétences municipales dans certaines Agglomérations, lequel prévoit que les rôles d’évaluation de toutes les municipalités liées d’une agglomération sont déposés de façon à entrer en vigueur simultanément, pour les mêmes exercices financiers, et doivent être déposés le même jour.
Mise au rôle des occupants en vertu de l’article 208
L’article 208 de la Loi sur la fiscalité municipale est modifié pour rehausser le seuil de valeur à partir duquel un occupant imposable d’un immeuble exempt est porté au rôle. Ce seuil passe de 50 000 $ à 200 000 $ à partir du 1er janvier 2022.
La mesure vise les occupants des immeubles visés aux paragraphes 3° et 13° à 17° de l’article 204, soit essentiellement les immeubles de la ville et ceux des réseaux de la santé et de l’éducation.
Le rehaussement du seuil était attendu depuis longtemps. En effet, l’évolution des valeurs au cours des dernières années avait fait en sorte que de très petits établissements, souvent des OBNL, étaient soumis à un impôt foncier, sans avoir les réels moyens de les absorber. Avec l’ajustement du seuil qu’apporte le projet de loi 49, nous pourrons cesser de porter au rôle bon nombre d’organisations de petite envergure qui vont éventuellement obtenir une reconnaissance de la CMQ et être finalement retirés du rôle.
À titre d’exemple, c’est plus de 130 occupants qui ont été retirés du rôle au premier janvier 2022 sur le territoire de l’agglomération de Montréal. Parmi ceux-ci, des locaux d’associations et coop étudiantes, d’associations syndicales, de fondations diverses, associations sportives ou culturelles, etc.
Rappelons toutefois que, même si la mesure diminue le nombre d’occupants à porter au rôle, elle requiert toujours un suivi rigoureux des occupants, car leur valeur peut atteindre le seuil à l’occasion du dépôt d’un nouveau rôle.
Traitement des compensations pour les immeubles de l’état
Le traitement des compensations et tenant lieu de taxes versées aux municipalités est simplifié pour certains immeubles.
D’une part le paiement des compensations des immeubles de la SQI sera désormais fait sur simple réception d’un avis de taxes par la Société. Les autres formalités autrefois exigées sont éliminées.
Pour les autres immeubles du gouvernement, le calcul et le paiement des compensations seront faits par le ministère sur la base des informations contenues au sommaire du rôle plutôt que sur réception d’une demande formulée par la ville.
Pour assurer le traitement spécifique à chacune de ces catégories d’immeubles, le sommaire du rôle doit être modifié (encore) pour indiquer sur des lignes distinctes les immeubles de la SQI et ceux appartenant au gouvernement du Québec.
Les immeubles de la Société de la Place des Arts de Montréal, de l’École nationale de police du Québec ou de l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec sont aussi exprimés sur une ligne distincte du sommaire.
La modification du régime de compensation a aussi nécessité un ajustement de la taille du numéro de l’alinéa ou du paragraphe dans les références législatives indiquées aux rôles d’évaluation, aux dossiers de propriété et aux certificats.
Ces modifications sont intégrées dans une version préliminaire de l’édition 2022 du Manuel d’évaluation foncière du Québec disponible sur le site du ministère.
La loi prévoit aussi que le sommaire du rôle qui sera utilisé pour le calcul des compensations est celui de l’exercice précédent celui pour lequel la compensation doit être payée. Par exemple, les compensations versées pour l’exercice 2023 seront calculées sur la base du sommaire du rôle 2022, soit celui préparé avec les données du rôle en date de septembre 2021.
On constate dès lors un décalage important entre l’exercice financier pour lequel la compensation est versée et les données qui sont utilisées dans le calcul.
Par ailleurs, aucune compensation supplémentaire résultant d’une modification du rôle par certificat n’est accordée. Ainsi, la valeur ajoutée au rôle par un certificat émis après la date du sommaire ne pourra être compensée avant l’exercice suivant, faisant ainsi perdre des revenus aux villes dans certaines circonstances.
Par contre, les ajustements à la valeur des immeubles compensables résultant de la révision administrative, de la contestation au T.A.Q. ou d’une correction d’office (gestes se traduisant généralement par une diminution de la valeur) feront l’objet d’un ajustement de la somme versée en compensation par le ministère.
Parmi les autres mesures de simplification, retenons l’abolition des compensations liées aux terrains du gouvernement dont la valeur est inférieure à 50 000 $ et l’instauration d’un paiement minimal de 100 $.
La nouvelle méthodologie de calcul des compensations, une mesure en apparence strictement fiscale, n’est pas sans impact pour l’évaluateur responsable du rôle. Ce dernier pourrait être placé dans une situation inconfortable dans certaines circonstances.
En effet, les municipalités n’étant pas compensées avant l’exercice subséquent pour les ajouts au rôle certifiés après la date de compilation du sommaire, l’évaluateur pourrait faire l’objet de certaines pressions pour devancer à une date précédent la production du sommaire du rôle, l’émission d’un certificat modifiant à la hausse la valeur d’un immeuble compensable, ceci dans le but de permettre à une municipalité de toucher sans délai et sans perte le montant de compensation qui y est associé.
La situation pourrait être particulièrement délicate pour un OMRÉ responsable de plusieurs municipalités. L’évaluateur devra prendre soin de ne pas avantager indûment une municipalité au détriment d’une autre dans le cours de ses opérations de tenue à jour.
Conclusion
Les changements apportés par le projet de loi 49 sont de diverses natures.
Nous devons nous réjouir de la souplesse offerte aux OMRÉ dans l’organisation de leur charge de travail. Aussi, le rehaussement du seuil de mise au rôle des occupants en vertu de l’article 208 vient finalement adapter à la réalité des valeurs d’aujourd’hui le traitement fiscal des petits occupants.
Quant aux modifications apportées au traitement des compensations, elles relèvent plus de la fiscalité. Nous avons toutefois pu constater qu’elles requièrent des ajustements au dossier de propriété, au certificat et au sommaire du rôle. De plus, elles ont un impact insoupçonné sur certains des gestes que nous posons dans le cadre de la tenue à jour des rôles.
Restons vigilants à cet égard.
