La relève au niveau technique

Auteur
M. DAVID GILBERT, É. A. — CÉVIMEC – BTF
Le phénomène de la rareté de la main-d’œuvre touche les entreprises de toutes les régions du Québec et de tous les secteurs d’activité économique. Il est particulièrement difficile de pourvoir à des emplois demandant des compétences spécifiques comme celles de nos techniciens ou techniciennes en évaluation. Cette situation résulte d’un marché du travail en constante évolution, qui a changé de façon marquée au cours des dernières années.
En février 2022, le service de la formation technique du ministère de l’Enseignement supérieur a publié un document de travail intitulé « État de situation d’un programme d’études ». Ce dernier a permis de dresser, le portrait actuel du programme d’études Technologie de l’estimation et de l’évaluation en bâtiment, celui de ses diplômés de même que de la situation du marché du travail.
Comme plusieurs d’entre nous le savent, six (6) établissements d’enseignement au Québec sont autorisés à offrir ce programme d’études qui mène à deux (2) voies de spécialisation.
L’objectif de ce programme qui est composé d’un tronc commun (8 compétences) et des deux (2) voies de spécialisation, estimation en construction (13 compétences) et évaluation immobilière (14 compétences), vise à former des personnes aptes à exercer l’une ou l’autre des professions suivantes : estimatrice ou estimateur en construction, ou technicienne ou technicien en évaluation immobilière.
ConSTATS PRÉOCCUPANTS
Voici quelques constats préoccupants qui sont ressortis de cette étude. Dans le contexte actuel de la rareté de main-d’œuvre, cette analyse est d’autant plus pertinente et actuelle.
Pour commencer, de 2016-2017 à 2020-2021, une diminution de 46.1% du nombre total d’étudiants débutants a été constatée de même qu’une diminution de 28.5% quant aux inscriptions totales au programme d’études TEEB. Pour la même période, la voie de spécialisation en estimation en construction a davantage d’inscriptions (76%) que la voie de spécialisation en évaluation immobilière (24%).
De plus, un Modèle permettant de déterminer le volume nécessaire de formation professionnelle et technique afin de répondre aux besoins en main-d’œuvre du Québec nommé « Modèle d’adéquation formation-emploi » a été publié par la Direction de l’adéquation formation-emploi (DAFE). Le Modèle qualifie le programme d’études, technologie de l’estimation et de l’évaluation en bâtiment, en déficit. Afin qu’un programme d’études obtienne le statut de programme d’études en déficit, il faut que le Modèle prévoie une augmentation des effectifs du tiers et que cette hausse représente un minimum de 50 individus. Un programme d’études obtiendra aussi un diagnostic de déficit s’il faut augmenter les effectifs de 500 individus, peu importe la proportion des effectifs réels que cela représente.
DIPLÔMÉS EN TEEB
Du côté des étudiants, selon les résultats de l’étude, la majorité des diplômés en évaluation immobilière occupent des emplois auprès d’entreprises qui ont des activités liées à l’immobilier ou pour des services d’administrations publiques locales, municipales et régionales.
Selon l’enquête Relance du Service de l’adéquation formation-emploi du ministère de l’Enseignement supérieur, 73.6% des diplômés se disent satisfaits de leur emploi, cependant seulement 45.3 % d’entre eux ont un sentiment de compétences élevé dans l’exercice de leur fonction comparativement à 58.6% de l’ensemble des diplômés ayant une formation technique. Aussi les étudiants se disent moins satisfaits de leur formation que l’ensemble des étudiants de la formation technique.
EMPLOYEURS
Dans le cadre de l’enquête Relance auprès des employeurs, parmi 17 entreprises ayant répondu à l’enquête, 100% des employeurs répondants estiment que leur satisfaction est très élevée au niveau du rendement des diplômés après 12 mois.
Toutefois, les employeurs mentionnent qu’il serait intéressant que le nombre d’heures pour les stages et la formation soient augmentés. Ils suggèrent également plus de contenu pratique adapté au marché du travail, surtout au niveau de la technologie et de son évolution.

INSTITUTIONS D’ENSEIGNEMENT
Les institutions d’enseignement quant à elle, ont adapté leur mode d’enseignement, que ce soit par la formation en mode bimodale, l’alternance travail-étude ou encore par la formation en mode intensif pour des étudiants ayant déjà complété leur formation générale.
L’adéquation avec les besoins du marché du travail est cruciale pour les établissements d’enseignement. Selon la présente étude, ceux-ci ont mis en place des moyens pour suivre l’évolution du marché du travail afin que les cours correspondent aux besoins de l’industrie. Il revient donc aux acteurs de l’industrie d’informer et de collaborer avec les établissements d’enseignement afin de mieux préparer les étudiants à la réalité du marché du travail et à ses besoins.
TAUX DE PLACEMENT
Nous vivons au quotidien dans nos organisations la rareté de main-d’œuvre technique. Ce constat se traduit également dans l’étude alors qu’en moyenne 75.6% des diplômés au programme d’étude en Technologie de l’estimation et l’évaluation en bâtiment sont en emploi comparativement à 62.2% des diplômés de la formation technique en générale.
COMMENT TRAVERSER CETTE PÉRIODE ? RÉAGIR EN TANT QU’EMPLOYEURS
La diminution d’inscription dans les établissements d’enseignement, particulièrement dans la spécialisation en évaluation municipale, combinée à la pénurie de main-d’œuvre, exigent qu’en tant qu’employeurs, nous soyons créatifs et agiles. Nous nous tournons présentement vers du personnel non diplômé dans notre domaine, mais qui présente un grand intérêt pour notre travail.
Que ce soient des étudiants en technologie de l’architecture, en génie civil ou encore des gens qui veulent réorienter leur carrière, cela exige d’investir beaucoup plus de temps en formation et supervision.
Nous devons espérer et faire en sorte que la mise en place de nouveaux modes d’enseignement plus flexibles permettra à des étudiants des quatre (4) coins du Québec d’accéder à la formation technique en évaluation sans pour autant quitter définitivement les régions. De ce fait, améliorer le recrutement de diplômés pour les entreprises en périphérie des grands centres.
Bien évidemment, comme employeurs, nous devons par conséquent nous rapprocher des établissements d’enseignement et être en relation constante avec les responsables des programmes qui pourront nous référer des étudiants, des stagiaires et des diplômés. Gardons en tête que les étudiants dans le contexte actuel, ainsi que les stagiaires d’aujourd’hui, à qui nous consacrons du temps, seront dans nos entreprises les diplômés de demain.