Impacts du télétravail sur les espaces de bureaux – le cas du SEFVM

Auteur
M. BERNARD CÔTÉ, É.A.
DIRECTEUR DU SERVICE DE L’ÉVALUATION FONCIÈRE DE MONTRÉAL

Nous sortons d’une pandémie qui a bouleversé bien des habitudes dans notre vie au travail. Le changement le plus significatif est certainement l’adoption du télétravail. Chose impensable à grande échelle jusque-là, le télétravail a été adopté rapidement pour opérer lors de la période de confinement, et est resté, à divers degrés et selon diverses formules, dans presque toutes les organisations.

Maintenant que ce mode d’opération est chose acquise, il peut induire d’autres changements dans nos organisations, qu’il faut considérer, dont celui de la quantité d’espace de bureaux que nous utilisons, et leur aménagement.
Est-il justifié d’utiliser autant de superficies de bureau et de l’occuper de la même façon alors que nous nous présentons physiquement au bureau seulement quelques jours par semaine?

Voici, avec l’expérience concrète du Service de l’évaluation fon-cière de la Ville de Montréal (SEFVM), comment le télétravail peut transformer le mode d’utilisation et surtout la quantité des espaces de bureaux que nous utilisons.

LE SEFVM

Voyons d’abord comment le SEFVM est organisé.
Le Service compte 180 employés répartis comme suit selon les divers corps d’emplois :

  • 13 cadres
  • 57 évaluateurs ou autres professionnels
  • 74 emplois techniques
  • 36 emplois de soutien

Avant les changements initiés récemment, les équipes étaient réparties dans 2 sites physiques pour desservir le territoire, soit au bureau principal du 255 Crémazie, judicieusement situé au centre de l’île de Montréal, et le site de Pointe-Claire qui abrite la division Ouest et dessert l’extrémité ouest de l’île, là où la plupart des villes liées de l’agglomération sont situées.

Les différents espaces occupés se détaillent comme suit :

 

Dans un souci d’optimisation des espaces et des opérations, le site d’Anjou, qui desservait autrefois l’est de l’île, a été abandonné en 2017 pour concentrer plus d’employés sur Crémazie. L’opportunité d’abandonner le site de l’ouest pour optimiser davantage les opéra-tions fait aussi l’objet de considérations depuis un certain temps.

LE TÉLÉTRAVAIL AU SERVICE DE L’ÉVALUATION FONCIÈRE DE LA VILLE DE MONTRÉAL

Au sortir de la pandémie, et après avoir fait l’expérience « forcée » du télétravail pendant la période de confinement, la Ville de Montréal, comme la plupart des organisations, a revu les conditions d’emploi de ses employés pour y intégrer formellement la composante « télétravail ».

La formule adoptée est hybride. Elle permet le télétravail, lorsque la nature de l’emploi le permet, mais exige la présence au bureau au moins 2 jours/semaine. Pour la Ville, il était important que ses employés reviennent sur les lieux de travail, au moins partiellement, pour contribuer à la relance de l’économie du centre-ville. Aussi, il est apparu important de bénéficier des vertus du travail en présentiel pour créer ou consolider le sentiment d’appartenance à l’organisation et stimuler la collaboration entre les individus et les équipes.

Au SEFVM, la grande majorité des 180 employés occupent un poste dont les tâches conviennent au télétravail. L’adoption du télétravail a donc eu un impact majeur sur l’organisation du travail.

Seuls les inspecteurs, déjà retenus sur la route par la nature de leur travail, n’ont pas subi de réel changement.

Avec le mode hybride, on a rapidement pu constater une surabondance d’espace… et une ambiance peu stimulante sur les lieux de travail. Le taux d’occupation des bureaux en mode hybride, selon le comportement observé des employés, est de l’ordre de 50 %, même au milieu de la semaine, à quelques exceptions près, comme le démontre la compilation ci-dessous.

On peut donc en déduire que seulement la moitié de l’espace disponible est réellement utile. Que faire de tous ces pieds carrés? Une décision s’imposait rapidement, car concours de circonstances, les baux des divers locaux occupés par le SEFVM venaient à échéance en avril 2023.

NOUVEAU MODÈLE NOVATEUR D’AMÉNAGEMENT DES ESPACES DE BUREAUX

Autre opportunité, le Service de la gestion et de la planification immobilière a amorcé récemment une réflexion sur la façon d’aménager les espaces de bureaux afin d’optimiser les superficies utilisées par la Ville et mieux répondre aux besoins et au mode de travail des nouvelles générations d’employés. Autre motivation, la réduction des espaces utilisés contribue à la transition écologique, élément central du plan stratégique de la Ville de Montréal.

Les principes mis de l’avant dans la réflexion visent à offrir un environnement de travail diversifié et flexible où l’employé peut retrouver le type de configuration qui convient, selon le type de tâche qu’il exécute, ses préférences… ou son humeur du moment. La connectivité sans fil, nouveau standard technologique, permet une mobilité complète des employés parmi les différents lieux de travail, incluant le domicile, et parmi les divers types d’environnement offert sur un même lieu de travail.

Le modèle d’aménagement développé comprend divers types d’espaces comme des aires de concentration, des aires de travail, des aires de collaboration et des aires de socialisation.

On y trouve ainsi des postes de travail primaires (ou individuels), fermés ou ouverts, à raison de 1  pour 2 employés et des salles de réunion de différentes dimensions, pouvant asseoir des usagers selon un ratio de 1 pour 2 employés et des zones de travail collaboratif ou de socialisation permettant d’échanger dans un contexte moins formel. Les espaces communs, plus vastes, sont polyvalents et peuvent servir, par exemple, de cuisine ou de salle de réunion selon les besoins du moment.
L’apparition du télétravail et du modèle hybride est venue accélérer la réflexion et donner encore plus de portée à cette démarche.

En effet, le mode hybride permet de passer au mode d’occupation « non assigné » aussi appelé « Hotelling », mode selon lequel aucun employé n’a de place désignée. Les employés sont tous dotés d’un ordinateur portable qu’ils transportent du domicile au bureau et s’installent là où une place est disponible. Même les gestionnaires adoptent le modèle. Dans ces conditions, un ratio d’une place assise pour deux employés est suffisant.

Ainsi, le modèle d’aménagement, combiné à la réalité concrète du télétravail et du mode « Hotelling », permet de réduire significativement l’espace de bureau nécessaire pour opérer adéquatement. Sans que cela ne soit une norme absolue, un ratio de 100 pi2 par employé a été établi comme un ratio pouvant convenir aux besoins de la plupart des équipes.
Selon ces nouveaux paramètres, et avec un réaménagement des espaces de bureaux selon le nouveau modèle, la superficie nécessaire au SEFVM a pu être revue à la baisse de façon importante.

LA TRANSFORMATION DES ESPACES DE BUREAUX DU SEFVM

C’est dans ce contexte que le Service de la gestion et de la planification immobilière a reçu le mandat de revoir la solution d’hébergement du SEFVM sur la base des paramètres définis dans son nouveau modèle.

La solution retenue permet de réduire la superficie totale occupée par le SEFVM de plus de 60 %, soit de 52 000 pi2 à 19 000 pi2, et de concentrer les activités sur un seul étage complet de l’immeuble. Au terme de l’opération, le SEFVM, autrefois dispersé sur 4 étages dans 2 sites différents, occupera un seul étage, soit le 6e étage du 255 Crémazie Est.
Le réaménagement requiert l’adoption immédiate du mode d’occupation « Hotelling » pour permettre les divers mouvements requis pour migrer vers la solution finale.

Le projet se déploie en 5 grandes étapes :

  • Reconfiguration des espaces du 7e étage pour permettre l’occupation en mode « hoteling » (février 2023)
  • Déplacement de l’équipe de la division Centre, du 5e au 7e étage (étape complétée en mars 2023).
  • Abandon du site de Pointe-Claire et regroupement des employés de la division Ouest au 7e étage du 255 Crémazie Est (étape complétée avril 2023).
  • Déplacement de la division Commerciale du 6e étage au 5e étage afin de libérer le 6e étage (fin 2023).
  • Travaux de réaménagement complet du 6e étage selon le nouveau concept (2024).
  • Installation de la totalité du personnel du SEFVM au 6e étage (fin 2024)

Le tableau au bas de la page illustre l’envergure de la réduction des espaces qui aura été obtenue au terme de l’opération :
Les caractéristiques techniques du mode d’opération adopté pour opérer dans les nouveaux locaux de dimension réduite sont les suivantes :

  • Chaque employé est équipé d’un ordinateur portable, une souris, un clavier et un écran additionnel de grande dimension (22 ou 24 pouces). Cet écran est normalement installé au domicile.
  • 90 postes de travail primaires (180/2) de divers types (1 pour 2 employés) sont aménagés dans les locaux et sont équipés comme suit :
    — Une station d’accueil permettant la connexion facile d’un ordinateur portable au réseau de la Ville;
    — Un écran de grande dimension (22 ou 24 pouces).
  • Des salles de travail de différentes dimensions et configuration pouvant accueillir un total de 90 personnes (1 place pour 2) sont aménagées dans les locaux. Les usagers peuvent se connecter au réseau de la Ville en Wi-Fi. Elles sont dotées de la technologie audiovisuelle moderne (écrans de très grande dimension et équipe-ments de captation sonore performants).
  • Un casier de petite dimension pour chaque employé (180), lui permettant de laisser des effets personnels au bureau.
  • Un système de réservation permettant à l’employé de s’assurer de la disponibilité d’une place de travail primaire (pas de réservation d’une place spécifique, simple contrôle du taux d’occupation).

À noter que l’employé peut se connecter à tout endroit dans les locaux du SEFVM en utilisant le réseau Wi-Fi.

GESTION DU CHANGEMENT

La transformation opérée par le SEFVM est majeure et est de nature à bouleverser les habitudes de tout le personnel. Certes, le personnel apprécie pouvoir travailler à partir de leur domicile quelques jours par semaine. La majorité des employés considère que ce changement est positif. Cependant, l’attachement aux commodités classiques offertes par les espaces à bureaux ne disparaît pas pour autant. Il est donc nécessaire de mettre en place une stratégie de gestion du changement.

Pour faire accepter un tel changement, les éléments suivants ont été déterminants :

  • Communication avancée de la réflexion et des intentions de la direction du SEFVM.
  • Communication régulière de l’avancement du projet.   Implication des membres du Service de la gestion immobilière pour présenter et faire valoir les attraits et avantages du modèle d’aménagement.
  • Participation des employés à la sélection de certains éléments de l’aménagement à réaliser.
  • Doter tous les employés de l’équipement requis et s’assurer de son fonctionnement.
  • Implantation d’un système de réservation simple et fonctionnel.  Transformation des mouvements d’équipes en « événements » positifs et rassembleurs.

CONCLUSION

Nous sommes maintenant habitués à voir le monde se transformer rapidement et à solliciter notre capacité d’adaptation. Il faut reconnaître toutefois que ce que la pandémie a provoqué comme changements est d’une intensité encore jamais vue, du moins en ce qui concerne le monde du travail.

Loin d’ignorer les risques associés à un tel changement, le SEFVM a plongé dans une transformation majeure de son mode de travail pour réaliser des économies importantes en termes de consommation d’espace, mais aussi pour créer un environnement de travail dynamique et flexible, résolument tourné vers l’avenir.