Économie & finance – le taux directeur : fonctionnement et effets

Auteur
GUY MINEAULT, PH,D. — DOCTEUR EN ÉCONOMIE — CONFÉRENCIER — AUTEUR — FONDATEUR DE KOLORTRAK (ENTREPRISE QUI ANALYSE ET ÉVALUE LES FONDS ET LES PORTEFEUILLES DE FONDS) ​

Quelle direction les taux directeurs vont-ils prendre dans les mois à venir?

Le 20 septembre dernier, la Fed américaine annonce la possibilité d’une autre hausse de taux de 25 points de base d’ici la fin de l’année 2023 et qu’il n’y aura probablement pas de baisse dans les taux avant 2026.

Tiff Macklem, Gouverneur de la Banque du Canada, avait annoncé pas avant 2025. Pourquoi? Parce qu’on s’attend à de futures hausses du « core inflation » (inflation sous- jacente, c’est-à-dire un taux d’inflation qui ne tient pas compte des secteurs de l’alimentation et de l’énergie) comme nous avons vu dans un article précédent. Nous avons aussi vu que cela a toujours pris du temps pour le baisser vers son 2%. Souvenez-vous que l’IPC n’a rien à avoir avec le taux directeur.

Les taux d’inflation augmentent en partie à cause de la hausse des taux d’intérêt qui fait grimper les coûts de financement des entreprises, des loyers et financements hypothécaires. De plus, on voit aussi une montée dans ce qu’on appelle la « greedflation ». Ce sont les entreprises qui en profitent pour augmenter leurs prix de façon exagérée et sans justification. Et au mois d’août, les pays OPEP+ et la Russie ont abaissé l’exportation de pétrole de 1,4 million de barils par jour dans le but de faire grimper le prix du baril vers 100$. C’est une hausse de 25$ du baril (à partir du mois d’août). On sait qu’il y a 159 litres dans un baril et cela représente 16 cents du litre de plus à la pompe.

 

Existe-t-il d’autres moyens pour freiner la hausse des prix autre que le taux directeur ?

Oui, il existe le « shrinkflation ». Cela consiste à mettre moins de produit dans les emballages existants afin de garder les prix constants. Des milliers de firmes font cela en ce moment. Les prix à la caisse n’augmentent pas, mais on a moins de produits pour notre argent. Ouin!

Une autre façon c’est d’imposer une loi pour geler le prix des produits et les salaires. Lors de la campagne électorale de 1974, Robert Stanfield avait proposé une telle loi et Pierre Eliott Trudeau avait promis de ne pas le faire. Sur cette promesse il a été élu et … en 1975 il a instauré une telle loi jusqu’en 1978. Encore, ouin! Le problème avec ce genre de loi c’est que dès qu’on l’abolit, les prix et salaires se remettent à grimper pour atteindre le niveau des prix et salaires qu’on aurait eu sans cette loi. On fait le rattrapage. C’est l’expérience vécue dans plusieurs autres pays. Donc, une loi inefficace.

 

Les hausses du taux directeur règlent- elles « le sort du monde »?

Non, cela n’empêche pas la « greedflation » ni la shrinkflation. Et cela ne fera jamais baisser le prix de l’essence ni les prix des aliments qui augmentent à cause de la pénurie d’aliments importés. Il manque de céréales pour nourrir les animaux et cela a des effets sur le prix de la viande et de leurs dérivés comme les œufs, le lait, le pain et le fromage. Les changements climatiques et le manque de fertilisants provenant de la Russie jouent des tours incroyables au niveau de la destruction de récoltes. Comment est-ce que les hausses du taux directeur vont arrêter la hausse des salaires? En fait la hausse dans les taux d’intérêt nourrit l’inflation.

 

Combien de temps entre un changement de taux d’intérêt et les impacts sur les prix?

Selon les modèles économétriques, environ 6 mois pour avoir environ 75% de son effet, sauf bien sûr pour des secteurs sensibles comme les prêts hypothécaires et les prêts de voitures, c’est plus rapide.

 

Notre banque centrale est-elle redevable au gouvernement fédéral?

La Banque du Canada est une société qui appartient au gouvernement fédéral. Durant quelques années des 1970’s, c’est le premier ministre P-E Trudeau qui annonçait les hausses de taux d’intérêt à la Chambre des communes. Voyant sa popularité diminuer, il a exigé que ce soit le Gouverneur de la Banque du Canada qui le fasse, comme si c’était ce dernier qui décidait. On sait que la ministre des Finances siège sur le comité de la Banque, comité qui détermine ce qui va arriver au taux d’intérêt. Aujourd’hui, c’est Tiff Macklem, nommé Gouverneur par Justin Trudeau, qui annonce les changements dans le taux d’intérêt.

C’est un comité de la Banque du Canada qui décide ce qu’elle va faire aux taux directeurs 8 fois par année et les prochaines rencontres auront lieu le 25 octobre et le 6 décembre. Ne pas oublier qu’elle regarde le « core inflation » et pas l’IPC (indice des prix à la consommation).

Aux États-Unis, la Fed américaine appartient aux banques américaines. Son mandat officiel est de s’assurer, dans la mesure du possible, que les banques américaines ne fassent pas faillite.

Cependant, le président américain peut choisir qui sera le président de la Fed. Trump n’aimait pas la politique monétaire restrictive de Janet Yellen et il l’a remplacé par Jerome Powell qui, lui, avait dit à Trump qu’il allait faire ce que Trump voulait. Cependant, rendu Président de la Fed, Jerome a changé son fusil d’épaule et a continué à faire comme Janet. Trump était en patate frite.

 

CONCLUSION

Le sujet étant si important pour notre économie et intéressant pour votre domaine d’expertise, il sera sûrement à suivre…