Dronautique et évaluation municipale

M. Feki Hassen
Conseiller professionnel en dronautique –
Centre d’excellence en géomatique – Ville de Laval

« La dronautique est un nouvel outil technologique qui peut faciliter et améliorer le travail des agents de la Ville » [1]. Il s’agit d’un des éléments de la conclusion d’une étude de la Ville de Laval sur l’intégration de la dronautique[2] à l’échelle corporative. Profitant d’une nouvelle réglementation fédérale qui facilite cette activité professionnelle, la Ville a créé, en 2020, une unité de dronautique au sein du Centre d’excellence en géomatique (CEG), et son mandat est d’assister tous les Services municipaux.
Le présent article survole les opportunités et les enjeux de l’intégration de la dronautique aux besoins du Service de l’évaluation, notamment dans le suivi des chantiers.
Dronautique pour le service de l’évaluation
Une des tâches principales d’un Service de l’évaluation est la confection du rôle tous les trois ans ainsi que sa tenue à jour quotidienne.
Un Service de l’évaluation dispose habituellement de différents outils, internes comme externes, pour la confection et la mise à jour du rôle. Essentiellement, il s’agit de différentes plateformes géomatiques en ligne ou de divers produits cartographiques.
Ces opérations de confection et de mise à jour nécessitent que des inspecteurs doivent se déplacer sur le territoire pour constater visuellement différents éléments pertinents. Par exemple, il peut s’agir de constater l’avancement ou la terminaison de travaux de bâtiments neufs ou d’agrandissements majeurs. Il peut s’agir aussi de visiter des emplacements difficilement accessibles, tels que des tours de télécommunication, ou des équipements connexes rattachés à différents types de bâtiments (églises, hôpitaux, etc.).
Les fonctions de l’évaluateur sont interreliées à celles des inspecteurs et des techniciens du service. Bien que l’évaluateur soit responsable de la confection et de la mise à jour du rôle d’évaluation, il reste fondamentalement tributaire de la justesse et de la fiabilité des données qui lui sont fournies par ses collaborateurs.
Ce constat appelle donc une nécessité de communication solide et fiable entre l’évaluateur et ses collaborateurs, mais aussi un besoin corporatif de hausser la qualité des données en profitant des outils technologiques innovateurs disponibles.
Plus-value de la dronautique
Par sa capacité d’agir à distance et souvent en conditions plus sécuritaires, la dronautique vient donc enrichir la qualité du travail de l’évaluateur en lui permettant d’avoir accès à des données plus sophistiquées (point de vue privilégié (aérien) tout en respectant les normes de cartographie en vigueur).
De manière non exhaustive, la dronautique peut être utile dans les contextes suivants :
– Effectuer des relevés d’équipements difficiles d’accès (unités de toit, tours et équipements de télécommunication inatteignables ou représentant un danger de chute ou de blessure, enseignes et panneaux publicitaires en bordure de routes, etc.);
– Maintenir un inventaire chronologique de l’état de construction ou de rénovation d’un bâtiment ;
– Vérifier l’état de l’occupation de certains terrains municipaux ou autres afin de procéder aux mises à jour nécessaires.

Les avantages de la dronautique résident essentiellement dans la qualité et la précision des données collectées tout en minimisant la durée du travail de l’évaluateur. Cette technologie offre aussi un nouvel angle de vue global et aérien. Ainsi, il est facile d’effectuer des opérations d’analyse et de disposer de données fiables.
Dronautique et réglementation
N’opère pas un drone qui veut, ni comme il l’entend. Depuis juin 2019, une nouvelle réglementation est entrée en vigueur concernant la dronautique. Désormais, l’opérateur d’un drone est considéré comme un pilote et le drone comme un aéronef au sens de la Loi sur l’aéronautique (loi fédérale). Ainsi, les pilotes sont assujettis à cette loi et au Règlement de l’Aviation Canadien (RAC) qui en découle.

Photo: L’identification de l’opérateur et du matériel qu’il utilise au nom de la municipalité (voiture lettrée, équipement identifié et carte d’employé portée en badge).
La Partie IX du R.A.C., consacrée à la pratique dronautique, traite des petits systèmes d’aéronef télépilotés (SATP) dont le poids au décollage est entre 250g et 25 kg. L’utilisation d’un drone nécessite une maîtrise de ces dispositions légales, surtout dans le cadre d’une utilisation par une municipalité.
À noter que le R.A.C. ne s’applique pas aux milieux souterrains ou intérieurs (R.A.C., art. 102.01). Cela étant, il ne faut pas oublier que d’autres lois et règlements peuvent toujours s’appliquer.
Par ailleurs, intérieur comme extérieur, lorsqu’une opération dronautique avec captation d’images a lieu, l’opérateur doit prendre les moyens nécessaires afin de respecter la vie privée des citoyens et protéger les renseignements personnels qu’elle pourrait recueillir directement ou indirectement. De plus, lorsque la dronautique sert à l’évaluateur, elle devient un de ses outils. Sommairement, un drone muni d’une caméra doit être considéré comme le prolongement du bras de l’évaluateur (muni d’une caméra), ni plus ni moins.
À titre d’exemple, lors d’une opération dronautique, en plus du respect de la Loi sur l’aéronautique et du R.A.C., les mesures suivantes devraient être prises :
– Pour des fins de sécurité publique, un affichage doit mentionner « mission en cours» à proximité du lieu où le drone est en service;
– Pour des fins de respect à la vie privée, il est préférable de ne pas capter d’éléments privés ni des personnes qui pourraient être reconnaissables. Afin d’y arriver, l’opérateur du drone pourrait opter pour des captations d’images à large spectre plutôt que de viser l’intérieur d’un bâtiment habité. Il pourrait également appliquer un filtre permettant le floutage des images captées lors d’un potentiel enjeu de respect de la vie privée ou de protection de renseignements personnels;
– Le respect de l’horaire autorisé pour les opérations d’un service de l’évaluation (LFM, art. 15);

Dossier de la dronautique – Chantier «Espace Montmorency»
Adjacent au terminus du métro Montmorency à Laval, Espace Montmorency est un projet de construction d’envergure. Pour le Service de l’évaluation de Laval, il y a eu un besoin de disposer d’informations précises et tangibles afin de procéder à la mise à jour de manière fiable.
L’évaluateur de la Ville a donc mandaté l’unité de dronautique du Centre d’excellence en géomatique afin d’assurer un suivi régulier de l’état d’avancement du chantier. Mensuellement, des vidéos ont été captés aux quatre points cardinaux du bâtiment. À chaque visite, le drone a enregistré une vidéo de sa montée laquelle s’échelonnait de 20 à 120 m de hauteur et ainsi permettre à l’évaluateur d’obtenir un portrait clair et évolutif de la situation.
S’il importe bien sûr de considérer l’état d’un bâtiment dans l’élaboration des méthodes d’évaluation, il faut s’assurer de ne pas doublement en pénaliser la valeur.
En conclusion
La dronautique est un nouvel outil technologique utile en évaluation foncière municipale et mis à la disposition de l’évaluateur.


[1] Ville de Laval (2019). Projet dronautique – Ville de Laval. Analyse stratégique de l’implantation de la dronautique à l’échelle corporative. Rapport interne. 153 pages.
[2] Drone désigne tout engin mobile, sans équipage à bord et qui peut être programmé ou téléguidé. Dans la réglementation, on parle de système d’aéronef télépiloté (SATP). À la Ville de Laval on utilise « dronautique » qui est une contraction de drone et aéronautique.