Demandes de révision & réponses de l’évaluateur – Délais et échéances

Par Me Louis Bouchart D’Orval
Service des affaires juridiques – ville de Laval

Dans quels délais peut-on contester l’opportunité ou la justesse d’un geste de l’évaluateur? Bien que les dispositions légales afférentes n’aient pas subi de modifications depuis leur adoption, il m’apparaît important de faire le point sur le sujet étant donné que la lecture de certaines d’entre elles peut se révéler ardue.

Les délais dont il est ici question sont ceux relatifs au dépôt d’une demande de révision administrative et à l’envoi de la réponse de l’évaluateur1 . Mentionnons d’entrée de jeu que ceux pour le dépôt d’une demande de révision diffèrent selon la nature du geste (ou du non-geste) de l’évaluateurqui en fait l’objet. Il est aussi à noter que le ministre bénéficie de délais particuliers3.

Il importe aussi de rappeler que, sauf exception, tout geste de l’évaluateur ne peut faire l’objet d’un recours au TAQ si le requérant n’a pas déposé préalablement une demande de révision. Ces exceptions sont les suivantes :

  • Certaines personnes concernées par une entente intervenue entre un demandeur et l’évaluateur à la suite d’une demande de révision (art. 138.5);
  • La contestation d’une inscription apparaissant au rôle lors de son dépôt par la personne au nom de laquelle est inscrite un immeuble considéré comme à vocation unique au sens des articles 18.1 & ss (art. 138.5.1).
  • Si les délais applicables pour déposer une demande de révision à l’encontre d’un geste de l’évaluateur sont prévus à différents articles de la LFM, ceux relatifs à la réponse de l’évaluateur se retrouvent tous à l’article 138.34 :

138.3. L’évaluateur saisi d’une demande de révision doit vérifier le bien-fondé de la contestation. Il doit, dans le délai prévu au deuxième ou au troisième alinéa, selon le cas, faire au demandeur une proposition écrite de modification au rôle ou l’informer par écrit, avec les motifs de sa décision, qu’il n’a aucune modification à proposer.

Dans le cas où la demande de révision doit être déposée avant le 1er mai qui suit l’entrée en vigueur du rôle, l’évaluateur doit se conformer au premier alinéa au plus tard le 1er septembre suivant.

Dans les autres cas, l’évaluateur doit se conformer au premier alinéa, selon la dernière des échéances, au plus tard le 1er septembre qui suit l’entrée en vigueur du rôle ou dans les quatre mois qui suivent le dépôt de la demande de révision. (…)

Notons finalement que dans le cas où deux dates de déchéances sont prévues (tant pour déposer une demande de révision que pour répondre à une telle demande), la dernière doit recevoir application.

INSCRIPTION AU RÔLE (ART. 130 & SS)

Dans le cas d’une inscription apparaissant au rôle lors de son dépôt, une demande de révision doit être déposée avant le 1er mai du premier exercice financier concerné lorsque l’avis d’évaluation est envoyé dans le délai applicable, à savoir avant le 1er mars suivant le dépôt du rôle. La réponse de l’évaluateur doit être envoyée au plus tard le 1er septembre suivant5, sauf si l’organisme municipal responsable de l’évaluation s’est prévalu, avant le 15 août de l’année qui suit l’entrée en vigueur du rôle, de la possibilité de reporter l’échéance du 1er septembre prévue au deuxième alinéa au 1er novembre suivant ou, dans le cas où la municipalité locale y consent, à une date pouvant aller jusqu’au 1er avril suivant6. Voici une illustration pour une demande de révision concernant une inscription d’un rôle 2022-2023-2024 :

PROPOSITION DE CORRECTION (ARTICLE 154)

L’évaluateur peut faire, à la personne inscrite au rôle pour une unité d’évaluation donnée, une proposition de correction en tout temps avant le 1er mai du premier exercice financier concerné (2022).
La LFM prévoit alors deux délais pour déposer une demande de révision à l’encontre de la proposition, l’échéance applicable étant la dernière que comportent ceux-ci:

 154. Toute personne visée à l’un des articles 124 à 126 peut déposer une demande de révision à l’égard de la proposition comme si elle constituait une inscription ou une omission au rôle, avant la dernière des éventualités suivantes:

1° l’expiration du délai visé à l’article 130, ou

2° l’expiration d’un délai de 60 jours après l’expédition de l’avis prévu à l’article 153 ou, dans le cas d’une demande prévue à l’article 126, l’expiration d’un délai de 60 jours après la réception d’une copie de cet avis par le ministre.

Voici deux exemples d’application d’une proposition de correction :

Rappelons ici que la LFM prévoit la possibilité de demander la révision de la proposition comme si elle constituait une inscription (art 154) et la correction d’office du rôle en l’absence d’une telle demande (article 155). La personne peut-elle accepter une proposition de correction de l’évaluateur et ainsi s’assurer que le rôle soit corrigé sans attendre l’expiration du délai de 60 jours? La LFM ne prévoit pas l’acceptation d’une proposition, mais ne l’interdit pas. Si l’évaluateur veut procéder hâtivement à la correction du rôle, il doit s’assurer que toutes les personnes intéressées (tous les propriétaires de l’unité s’il y en a plus qu’un, la commission scolaire, etc.) ont renoncé à contester la proposition de correction. Ce cas étant pour des raisons logistiques difficilement envisageables, on comprend ainsi pourquoi le législateur n’a l’a pas prévu expressément.

Le malaise provient ici des termes utilisés par la LFM : lorsque, dans la vie de tous les jours, on fait une proposition, on peut s’attendre à un refus ou une acceptation. Ici, l’acceptation est le…non-refus.

TENUE À JOUR DU RÔLE (ARTICLE 132)

Dans le cas de tenue à jour, la LFM prévoit des délais différents pour déposer une demande de révision selon le moment suivant l’expédition de l’avis de modification :

132. Une demande de révision à l’égard d’une modification au rôle apportée en vertu de l’article 174 ou 174.2 doit être déposée, selon la dernière des échéances, soit avant le 1er mai qui suit l’entrée en vigueur du rôle, soit avant le soixante et unième jour qui suit l’expédition de l’avis prévu à l’article 180 à la personne au nom de laquelle est ou était inscrit au rôle le bien visé par la modification ou, dans le cas d’une demande visée à l’article 126, avant le soixante et unième jour qui suit la réception, par le ministre, d’une copie du certificat de modification.

Illustrons le tout en considération de trois tenues à jour effectuées à des dates différentes :

NON-GESTE (ARTICLE 131.2)

Le cas de la demande de révision pour non-geste est particulier en ce que, par définition, la date de départ de la computation du délai ne peut être celle d’un geste de l’évaluateur. Le LFM fixe la date d’échéance en fonction de celle de survenance de l’évènement pour laquelle la demande de révision est déposée :

131.2. Une demande de révision peut être déposée en tout temps au cours de l’exercice financier pendant lequel survient un événement justifiant une modification du rôle en vertu de l’article 174 ou 174.2 ou au cours de l’exercice suivant, si l’évaluateur n’effectue pas cette modification.

À première vue, la LFM semble comporter une incongruité. Ainsi, il peut paraître injuste qu’un contribuable ne peut déposer en 2022 une demande de révision pour un événement survenu antérieurement à 2021 alors que l’évaluateur peut tenir à jour le rôle pour un tel évènement (article 174.3).

174.3. Le fait qu’un événement visé à l’article 174 ou 174.2 se soit produit avant le 1er juillet du deuxième exercice financier précédant celui au cours duquel le rôle entre en vigueur ne dispense pas l’évaluateur de modifier le rôle si celui-ci, malgré les articles 46 et 69.6, ne reflète pas l’état de l’unité d’évaluation ou de l’établissement d’entreprise à cette date, compte tenu de l’événement. (…)

L’explication est simple : le législateur reconnaît que si le contribuable est à même de constater les évènements concernant son unité d’évaluation (ex. un agrandissement ou une démolition) et d’en informer l’évaluateur, ce n’est pas le cas de l’évaluateur qui a, sous sa loupe, des milliers d’unités.

En résumé, le calendrier est sans contredit un outil indispensable dans la trousse de l’évaluateur municipal.

Notes

Les délais applicables devant le Tribunal administratif du Québec et les tribunaux judiciaires feront l’objet d’un autre article;
Inscription originalement au rôle, inscription donnant suite à une tenue à jour et proposition de correction;
3  Articles 131.1, 132 et 154;
4  L’un des délais prévus par cet article se compute-cela est assez inusité- en nombre de mois et non en nombre de jours;
5 Article 138.3, deuxième alinéa;
6 Article 138.3;