Résumé jurisprudence – Accès à l’information

 

 

Par Louis Roy

Date : 10 janvier 2022

COMMISSION D’ACCÈS À L’INFORMATION DU QUÉBEC

Dossier : 2022 QCCAI 17

Devant le membre : Me Normand Boucher

Jean-Jacques Tremblay

Demandeur

c.

MRC de Charlevoix-Est

Organisme

Mise en situation

En février 2020, le demandeur transmet une demande d’accès à la MRC de Charlevoix-Est afin d’obtenir des informations relatives à l’augmentation ou à la diminution moyenne de la valeur des immeubles, par unité de voisinage, découlant du dépôt du rôle foncier 2020-2021-2022 de la Ville de La Malbaie.

Le 12 mars 2020, l’organisme répond que les renseignements ou documents demandés n’existent pas. Aux termes de l’article 15 de la Loi sur l’accès, il ajoute ne pas devoir confectionner de tels documents.

Insatisfait de cette réponse, le demandeur dépose une demande de révision à la Commission d’accès à l’information concernant ce refus.

L’audition – L’organisme

Le procureur de l’organisme est accompagné de la greffière adjointe et responsable de l’accès à l’information, ainsi que de l’évaluateur mandaté par l’organisme. Le demandeur se représente seul.

La responsable de l’accès explique le processus de traitement de la demande d’accès et les vérifications effectuées auprès des différentes unités administratives concernées. En outre, elle fait part des démarches réalisées auprès de la Direction de l’évaluation afin d’obtenir la production des renseignements demandés, ainsi que la réponse obtenue par cette direction confirmant l’inexistence de documents. Elle atteste que l’organisme ne détenait pas, lors du traitement de la demande d’accès, de documents établissant l’augmentation ou la diminution moyenne de la valeur des immeubles par unité de voisinage telle qu’exigée par le demandeur.

L’évaluateur est appelé à témoigner à son tour. Il confirme que la donnée « unité de voisinage » est nécessaire lors de la confection des rôles d’évaluation foncière des municipalités. Chaque unité de voisinage constitue pour l’évaluateur un bassin d’analyse et de comparaison qui permet d’évaluer, avec les mêmes paramètres, plusieurs propriétés ayant des traits communs.

Le système d’information ou programme informatique utilisé pour réaliser son travail supporte tous les processus de l’évaluation foncière nécessaires à la constitution et à la mise à jour d’un rôle foncier. Actuellement, ce programme est configuré de façon qu’il ne permet pas de connaître l’augmentation ou la diminution moyenne de la valeur des immeubles par unité de voisinage, comme requis par le demandeur.

Par conséquent, l’organisme n’était pas en mesure de répondre favorablement à la demande d’accès puisque ces documents n’existent tout simplement pas. Néanmoins, il pourrait être envisageable d’obtenir les renseignements recherchés avec une version modifiée du programme. En revanche, la conception d’une application adaptée nécessiterait minimalement une journée de travail.

Le programme, dans sa version actuelle, permet d’obtenir certaines données à partir desquelles les moyennes requises par unité de voisinage pourraient être établies. Toutefois, cette opération exigerait plusieurs heures de manipulation et de validation afin, entre autres, de masquer certaines informations nominatives.

L’audition – Le demandeur

Le demandeur s’interroge sur l’impossibilité pour l’organisme de produire les documents requis puisque ces renseignements existent et qu’ils sont nécessaires pour qu’il puisse se faire une idée de la valeur réelle de sa propriété. Il fait référence entre autres aux informations rendues disponibles par la Ville de Laval qui affiche, par secteur, les données recherchées alors que l’organisme prétend qu’il ne peut pas le faire.

Il souligne de plus que l’article 9 de la Loi sur l’accès lui donne un droit d’accès aux renseignements en question, d’autant plus qu’il ne requiert pas l’accès aux renseignements personnels de tiers.

De surcroît, il précise que la Commission a déjà reconnu que l’extraction de données dans le but de récupérer des renseignements n’impliquait pas en soi la création d’un nouveau document. Ainsi, le seul fait d’interroger un système pour répondre à une demande d’accès n’est pas nécessairement visé par l’article 15 de la Loi sur l’accès.

En réponse, le procureur de l’organisme plaide quant à lui qu’il y a une différence à faire entre le droit à l’accès à un document détenu par un organisme et le droit d’accès général à l’information, comme le revendique le demandeur.

De plus, il fait ressortir que le programme utilisé vise des fins bien définies et que celui-ci n’est pas nécessairement conçu pour répondre à la demande d’accès soumise.

Enfin, bien qu’il soit possible de produire l’information demandée après avoir procédé à des extractions informatiques et à certaines manipulations, il invoque que l’organisme n’a pas à créer de nouveaux documents puisque la confection de ceux-ci nécessiterait des manipulations, ce que la Loi sur l’accès n’exige pas.

Question en litige

La Commission doit décider si l’organisme :

a) A procédé à l’exercice de repérage requis ;

b) Avait raison de refuser la communication des informations demandées sur la base qu’il aurait été contraint d’effectuer des calculs ou des comparaisons de renseignements, au sens de l’article 15 de la Loi sur l’accès

 

Analyse

a) L’organisme a-t-il procédé à l’exercice de repérage requis pour identifier les documents mentionnés à la demande d’accès ?

La Commission considère que les recherches effectuées pour repérer les documents demandés sont suffisantes et démontrent que l’organisme ne les détient pas puisque l’article 9 de la Loi sur l’accès consacre le droit de toute personne d’avoir accès aux documents d’un organisme public.

Ce droit n’est toutefois pas absolu. L’article 1 définit le champ d’application de la Loi sur l’accès, en précisant que la loi s’applique aux documents détenus par un organisme public dans l’exercice de ses fonctions, quelle que soit leur forme.

Quand une des questions en litige concerne le repérage de documents, l’organisme doit démontrer qu’il a effectué une recherche sérieuse et complète pour les repérer. Si celui-ci remplit son fardeau de preuve, il appartient alors au demandeur de soumettre des éléments concrets pouvant constituer un début de preuve établissant que l’organisme détenait les documents visés au moment où la demande d’accès a été traitée.

Dans le cadre de son témoignage, la responsable de l’accès atteste que des recherches exhaustives ont été faites afin de vérifier si l’organisme détenait les documents. Or, selon ses dires, ces recherches se sont révélées infructueuses, car l’information n’existait tout simplement pas. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle a invoqué l’article 15 de la Loi sur l’accès puisqu’un organisme public n’est pas obligé de créer un document pour répondre à une demande : il doit communiquer seulement ce qu’il détient.

À ce propos, le demandeur n’a pas fourni à la Commission d’éléments de preuves permettant de conclure à l’existence de documents détenus par l’organisme au moment où sa demande d’accès.

En définitive, en l’absence de faits concrets et d’éléments probants susceptibles de soulever un doute quant aux témoignages de la responsable en accès et de l’évaluateur, la Commission conclut que l’organisme a démontré qu’il ne détenait pas les documents sollicités,

 

b) L’organisme a-t-il raison de refuser la communication des informations demandées sur la base qu’il aurait été contraint d’effectuer des calculs ou des comparaisons de renseignements ?

La Commission est d’avis que l’organisme était justifié de répondre qu’il n’était pas obligé de confectionner un document, conformément aux prescriptions de l’article 15 de la Loi sur l’accès.

Pour justifier sa décision, la Commission s’appuie sur les auteurs Doray et Charrette en précisant que l’analyse du champ d’application de l’article 1 de la Loi sur l’accès permet de déduire qu’un organisme n’a pas à créer un document pour satisfaire à une demande d’accès.

De plus, une jurisprudence constante de la Commission établit que l’article 15 vise les situations où l’organisme ne détient pas le document demandé, mais seulement des renseignements contenus sur un support informatique qu’il faudrait extraire, compiler ou coupler afin de créer un nouveau document. La Cour supérieure confirme quant à elle la position de la Commission voulant qu’un organisme n’a pas l’obligation de modifier ou de créer un programme informatique afin d’extraire des renseignements pouvant répondre à une demande d’accès.

 Finalement, la preuve testimoniale soumise par l’organisme va également dans le même sens.

En conclusion, à la lumière de la doctrine et de la jurisprudence consultée ainsi que de la preuve prépondérante soumise, la Commission conclut que l’article 15 de la Loi sur l’accès trouve application en l’espèce.

Avant de conclure, le soussigné signale qu’il ne met pas en doute l’importance que revêtent les renseignements recherchés pour le demandeur. Néanmoins, même si certaines données existent à l’état brut comme il a été exposé précédemment, la Commission n’a pas d’autre choix que de donner effet à la règle édictée par le législateur voulant que la Loi sur l’accès ne peut pas contraindre un organisme de confectionner un nouveau document uniquement pour répondre à une demande d’accès.

 

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION :

REJETTE la demande de révision

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